dimanche 10 avril 2011

Le maquillage au cinéma

             Problématique :

Le maquillage révèle-t-il ou fabrique -t-il l’identité?


INTRODUCTION


Jusqu’à l’apparition de l’industrie cosmétique, le maquillage a souvent été connoté péjorativement et associé à des activités répréhensibles, référant à tout ce qui s’inscrivait dans le faux, dans la tromperie. Ainsi, le maquillage et tout ce qui relève de l’artifice, amène obligatoirement à une réflexion sur le rapport entre illusion et vérité. De plus, il est un objet artistique et un langage traduisant le rapport au monde, aux autres et à soi-même. Nous nous poserons alors la question suivante : le maquillage révèle-t-il ou fabrique-t-il l'identité ?
Notre étude s'est établie sur différents thèmes et différentes périodes de l'histoire. Par maquillage, nous entendons tout ce qui concerne les artifices faciaux et corporels comme la peinture mais aussi par extension les masques et les costumes. Pour commencer, il faut d'abord effectuer un petit topo historique.
Puis nous présenterons les différentes fonctions et utilisations du maquillage et de l’artifice, que ce soit la divinisation, la dimension artistique, la fonction d’affirmation de la vérité intérieure ou encore le rapport entre l’individu maquillé et la société.


HISTORIQUE


Le maquillage apparaît dès la préhistoire dans les coutumes, dans les sociétés traditionnelles, il renvoie toujours à un univers magique, à un au-delà avec des divinités, des esprits, des démons et des forces liées à la nature. Il devient alors un acte culturel lié au sacré qui le plus souvent inscrit l'individu dans une représentation globale du monde propre à sa société. Dans certaines tribus du Sud-Est de l'Afrique les couleurs des peintures et des cheveux indiquent l'âge des hommes, Claude Levi-Strauss dit «  Il faut être peint pour être Homme ». Le maquillage a toujours eut une utilisation artistique, esthétique, mais également toujours lié à des rites et des croyances. Parlons des Égyptiens de l'Égypte antique, pour eux les couleurs des fards à paupières étaient importantes, elles étaient lié à un ou plusieurs Dieux et accompagnées les défunts dans l'au-delà, les cosmétiques devaient créer une apparence juvénile et fertile, essentielle pour renaître. Le vert était la couleur d'Osiris, dieu de la terre, de la végétation, de la renaissance, le bleu était en rapport à l'eau, au ciel et à l'air. En plus de ces utilisations en rapport avec les coutumes et croyances, le maquillage avait des vertus thérapeutiques, il protégeait les yeux des infections dues au sable lors des tempêtes. On utilisait également des perruques pour améliorer son apparence, une perruque volumineuse sculptée dans de la cire d'abeille exprimait par exemple un symbole sexuel très fort, qui reliait son porteur à Hathor, déesse des festivités et de l'amour. Par contre au Moyen-âge le maquillage est considéré comme diabolique car il sert à cacher les défauts du corps créé par Dieu, il menait à la luxure et à la débauche. A la Renaissance, on considérait qu'il fallait avoir le teint diaphane, les lèvres, les joues et les ongles rouges et les cheveux dorés. C'est à partir du 17ème siècle que l'usage du maquillage s'étend à toutes les classes sociales.



PARTIE 1 : LA FONCTION DE DIVINISATION DU MAQUILLAGE


A) Le maquillage dans les tribus primitives - Chapitre 20 « Une société indigène et son style », Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss

En 1935, l’ethnologue et philosophe Claude Lévi-Strauss a partagé l’existence des indiens Caduveo du Brésil pour découvrir leur mode de vie et leur culture. Pour les comprendre, il s’est également intéressé à leurs ancêtres les Mbaya. Comme leurs descendants, ils possédaient un rapport particulier au corps. Claude Lévi-Strauss souligne que les peintures corporelles et les tatouages qu’ils arboraient symbolisaient leur appartenance à une caste (noble, guerrier ou esclave). Par exemple, « les nobles faisaient étalage de leur rang par des peintures corporelles au pochoir ou des tatouages, qui étaient l’équivalent d’un blason. » (p.206) Le corps avait une place prépondérante dans les rites. L’ethnologue parle de celui de la naissance et explique que « quand les enfants parvenaient à naître, ils n’étaient pas élevés par leurs parents mais confiés à une autre famille où ceux-ci ne les visitaient qu’à de rares intervalles ; on les gardait, rituellement enduits de la tête aux pieds de peintures noires (…) jusqu’à leur quatorzième année où ils étaient initiés, lavés et rasé. » (p.208)
Le jésuite missionnaire Sanchez Labrador est le premier à décrire cette tribu au 18e. Néanmoins, son approche est totalement différente de celle de Levi-Strauss. En effet, il est choqué par ces peintures corporelles qui représentent le Diable. En plus d’être une perte de temps, elles ne font que tromper et éloigner ces hommes de Dieu et de la nature. Pour lui, elles opposent « aux grâces de la Nature une laideur artificieuse ». Claude Levis-Strauss, lui, y voit à travers son regard d’ethnologue un désir de s’élever au-delà de la simple condition humaine. Il écrit que « par leurs peintures faciales (…), les Mbaya exprimaient une horreur de la nature. L’art indigène proclame un souverain mépris pour l’argile dont nous sommes pétris ».
Aujourd’hui chez les Caduveo, les peintures corporelles continuent d’être une véritable pratique artistique. Pour l’ethnologue, « ces compositions savantes, asymétriques tout en restant équilibrées (…) sont menées jusqu’à la fin sans hésitation ni rature. Elles font appel à des motifs relativement simples tels que spirales, croix et volutes, mais ceux-ci sont combinés de telle sorte que chaque œuvre possède un caractère original ». Ce sont surtout les femmes qui se peignent le corps et le visage mais seulement par plaisir, dans une considération érotique.
Ainsi, les peintures corporelles et les tatouages ont des fonctions précises pour cette population. Ils symbolisent la hiérarchie des statuts et permet l’affirmation de l’être humain. En effet, pour les Mbaya comme pour leurs descendants « il fallait être peints pour être homme : celui qui restait à l’état de nature ne se distinguait pas de la brute. »
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’art corporel est également pratiqué dans une dimension rituelle, sociologique et artistique. Par exemple, les hommes utilisent des motifs, des couleurs et des bijoux codifiés pour signifier leur appartenance sociale. En signe de deuil, les Papous s’enveloppent le corps d’argile et de cendres pour revêtir les mêmes teintes que celles du défunt. L’enveloppe d’argile est aussi un rite d’initiation, c’est le passage du monde de l’enfance à celui des adultes. Cette transition interprète une mort symbolique. Enfin, les guerriers se recouvrent le visage d’un masque d’argile orné de dents et de cornes de sanglier pour ressembler à des êtres surnaturels et effrayer les ennemis.
Il est intéressant de noter les valeurs universelle et intemporelle du maquillage. En effet, à toutes les époques et dans toutes les cultures, l’artifice permet, par des moyens différents, un dépassement de la nature.

Comme nous venons de le voir, le maquillage est depuis la nuit des temps utilisé pour des croyances, des rites, des cérémonies, etc. Adaptons cet aspect à notre époque contemporaine au domaine de la bande-dessinée et du cinéma avec les super-héros. Les super-héros tels que Superman, Spiderman ou Batman ne portent pas leurs costumes uniquement pour être sexys dans leurs collants. C'est avant tout pour cacher leur identité au commun des mortels. Mais cela va plus que loin que ça, il y un phénomène de divinisation qui se crée, en effet des que l'on voit un homme déguisé en chauve-souris ou un homme volant arborant les couleurs du drapeau américain on pense tout de suite à Batman et Superman. Avec leurs costumes ces héros dépassent la nature, et les simples humains. Nous reparlerons des super-héros plus loin dans notre étude.


B) BAUDELAIRE : « Eloge du maquillage » dans Le Peintre de la vie moderne


Au 18e le beau est associé à la nature qui embellirait ce qui est. Pour Baudelaire, cela est une erreur due à la morale qui l’instaure comme le bien. Mais en réalité, elle est la source du mal : « Passez en revue, analysez tout ce qui est naturel, toutes les actions et les désirs du pur homme naturel, vous ne trouverez rien que d’affreux. »
Selon le poète, pour accéder au bien et au beau il faut dépasser cet état naturel grossier et trivial par l’artificiel. Car la fonction de l’art n’est pas d’imiter la nature mais de s’en détacher et de la déformer. Grâce à l’artifice, l’homme se substitue à la nature et célébre la vie comme surnaturelle et excessive. La mode par exemple « doit être considérée comme un symptôme du goût de l’idéal surnageant dans le cerveau humain au-dessus de tout ce que la vie naturelle y accumule de grossier, de terrestre et d’immonde, comme une déformation sublime de la nature, ou plutôt comme un essai permanent et successif de réformation de la nature ».
De même, le maquillage doit être revendiqué et assumé dans la même perspective. Il « n’a pas à se cacher, à éviter de se laisser deviner; il (doit), au contraire, s’étaler ». Pour Baudelaire, « la peinture du visage » est une véritable création artistique qui attribue à la femme une dimension divine. Le fard « a pour but et pour résultat de faire disparaître du teint toutes les taches que la nature y a outrageusement semée, et de créer une unité abstraite dans le grain et la couleur de la peau, laquelle unité, rapproche immédiatement l’être humain de la statue, c’est-à-dire d’un être divin et supérieur »
Ainsi, c’est tout ce qui relève de l’inutile et du débordement et non pas de la nature qui embellit ce qui est. Néanmoins, Baudelaire insiste sur le fait que le maquillage n’est destiné ni à une illusion de jeunesse ni à un embellissement de la laideur car il ne peut servir que la beauté.


C) Les Stars, Edgar Morin


Dans la partie « Dieux et déesses » de son ouvrage Les Stars, Edgar Morin traite du rapport de la star et du maquillage. Le livre publié en 1957 se base principalement sur la période de l’âge d’or des studios hollywoodiens. Pour Morin le mythe de la star s’inscrit dans un « processus de divinisation » qui s’illustre le mieux à travers la figure des « stars féminines « d’amour » ». Pour lui « l’actrice qui devient star bénéficie des puissances divinisatrices de l’amour ; mais elle apporte aussi un capital : un corps et un visage adorables ».
Morin note que la fonction du maquillage au cinéma est différente de sa fonction au théâtre. En effet, selon Morin, au théâtre le maquillage sert à montrer que l’acteur est habité par le personnage et lui donne « une personnalité sacrée ». Il marque alors une distance entre l’acteur et le personnage. Il a également une fonction expressive à l’instar des masques grecs. Au contraire, au cinéma, le maquillage sert la plupart du temps à embellir. Morin note que progressivement le maquillage au cinéma parait de plus en plus naturel afin de donner l’impression que la star n’est pas embellie par le maquillage mais qu’elle est naturellement si belle. Ainsi aucune trace de maquillage ne se laisse entrevoir sur le visage de la star masculine et la star féminine « ne parait maquillée que dans les festivités de la vie ». Mais le maquillage garde parfois sa fonction expressive : il peut notamment appuyer la pâleur d’un malade. Cependant le maquillage n’appuie plus l’expression des yeux et de la bouche car c’est désormais le gros plan qui s’en charge.
Le maquillage embellit le visage en lui restituant « jeunesse et fraîcheur » et en renforçant la beauté de la star qui doit être « inaltérable » dans « n’importe quelle situation ». Avec son exigence de beauté, le star system « a suscité ou renouvelé un art du maquillage, du costume, de l’allure, des manières, de la photographie et au besoin de la chirurgie, qui perfectionne, entretient ou même fabrique la beauté » qui font que l’industrie moderne des cosmétiques est associée au cinéma. On peut noter en effet que les stars féminines sont souvent rattachées à un type de maquillage qui leur est caractéristique dans leurs films. Ainsi Marlene Dietrich et Greta Garbo sont reconnues pour leur maquillage sophistiqué et Audrey Hepburn est réputée pour son trait parfait d’eye-liner.
Seulement la conséquence est que le maquillage participe à une dépersonnalisation du visage, pour Morin « l’expression de la beauté tend à annuler l’expression tout court ». Si les visages sont moins expressifs et dépersonnalisés ils sont « sur-personnalisés ». La beauté de la star correspond alors à un idéal d’harmonie et de perfection. Cette idéalisation de la « beauté artificielle » participe à la création du mythe la star en se mêlant et non en s’opposant à la « beauté naturelle de l’actrice » car la star est naturellement belle. Ainsi les deux formes de beauté « se conjuguent en une synthèse unique » : la beauté mythique et divine de la star.
Boulevard du crépuscule de Billy Wilder illustre le rapport de l’actrice à la beauté artificielle du cinéma à travers le personnage de la star déchue Norma Desmond semble incarner en permanence un personnage cinématographique. Lorsqu’elle se rend au studio afin de rencontrer Cecil B. DeMille elle se maquille avec soin alors qu’elle ne tourne aucune scène : la beauté naturelle de l’actrice doit être à la hauteur de la beauté des personnages qu’elle est susceptible d’incarner car les deux figures se marient chez la star. Norma décide alors de subir des soins esthétiques barbares afin de se rajeunir en vue d’un prochain tournage. Pour Morin, la chirurgie esthétique chez les stars est « comme un masque mais un masque qui se confond avec la peau, le visage ».


Nous avons donc vu que le maquillage peut avoir un rapport particulier avec la nature en associant celui qui est maquillé ou costumé à un dieu. Nous allons maintenant nous intéresser un autre aspect du maquillage qui est sa dimension artistique.



PARTIE 2 : LE MAQUILLAGE COMME ART


A) Alchimies du maquillage, Dominique Paquet


Selon Dominique Paquet, l’étymologie du mot maquillage (provenant du moyen « maken », « faire » en néerlandais) dénote qu’il est à l’origine une fabrication. Comme toutes les pratiques artistiques, cette production permet à l’homme de se situer dans le monde et d’exprimer les liens qu’il entretient avec le réel. De plus, le maquillage possède une particularité qui lui est propre et qui le différencie du masque: il est un objet artistique à la fois hors du sujet et en lui qui s’appréhende à deux niveaux. Tout d’abord celui de l’émergence, quand l’œuvre est peinte sur la peau puis celui de la sensation, quand le sujet ressent les transformations. Ainsi, le maquillage « émane de l’homme et y revient ». Il fait entrer dans la fiction celui qui le porte comme celui qui regarde.


B) Le dandysme et le glam rock


Dans son recueil d’essais Le Peintre de la vie moderne dont est tiré son Eloge du maquillage, Baudelaire expose sa vision du dandysme. Le dandysme est une doctrine apparue vers la fin du XVIIIème et le début du XIXème siècle. WWW dans son ouvrage Le Dandysme littéraire considère que le dandysme et notamment le dandysme anglais de la fin du XIXème siècle se caractérise par « un esthétisme excessif, un culte de la beauté et de l'art, conçus comme supérieur à la réalité » et par un rejet du matérialisme et de l'utilitarisme qui s'imposent de plus en plus à l'air de l'industrialisation.
Au début du XXème siècle, le dandysme mais on le retrouve dans le mouvement glam rock qui est un style musical des années 70 représenté par des artistes comme David Bowie dans sa période Ziggy Stardust ou encore le groupe T-Rex. Le dandysme est une référence pour les artistes glam-rock comme nous le verrons dans le film Velvet Goldmine de Todd Haynes.
Le film, sorti en 1998, retrace l'itinéraire de Brian Slade (aussi connu sous le pseudonyme de Maxwell Demon), star du glam rock ayant mis en scène sa mort sur scène au milieu des années 70 et dont on a perdu la trace. Dix ans plus tard, un jeune journaliste, adolescent à l'époque et ancien fan du chanteur, est chargé d'enquêter afin de découvrir ce qu'il est devenu. Les personnages du film sont fictifs mais la figure de Brian Slade fait référence à David Bowie, quant à Curt Wild, chanteur grunge ayant une aventure avec Brian Slade, il est notamment identifiable à Iggy Pop mais aussi à Mick Jagger. Dès le début du film, le lien de parenté avec le dandysme est mis en évidence : Oscar Wilde bébé est déposé sur le pas de la porte de sa famille par des extra-terrestres.
La broche épinglée à la couverture dans laquelle il est emmitouflé est trouvée cent ans plus tard par Jack Fairy. Elle est le symbole du dandysme et va passer tour à tour entre les mains des personnages du film comme l’amulette du raffinement et de la beauté. Pour Jack Fairy, la première manifestation de l’influence du dandysme est l’application de rouge à lèvre. Le maquillage a donc un rôle majeur dans l’affirmation de l’artifice du chanteur glam rock car même les hommes se maquillent alors que Baudelaire prônait le maquillage uniquement pour les femmes.
La référence à Oscar Wilde s’explique par le fait qu’il était figure importante du dandysme. Il s'est notamment illustré dans sa vie par ses tenues extravagantes et colorées. Le glam-rock se caractérise également par ses tenues voyantes à paillettes et anachroniques. Karin Becker note dans Le Dandysme littéraire que Lord Byron portait « des costumes gothiques ou des habits à la Rubens et Van Dyck, de grands chapeaux et des foulards sur les épaules d'une façon nonchalante ». Dans Du délire et du rien, Roger Kempf dit que « le dandy n'a pas de but spécial, mais réduit comme chacun à se vêtir, il en profite pour traduire par le costume la supériorité de son esprit». Ainsi dans Velvet Goldmine, les groupies imitent les tenues de Brian Slade, elles l’idolâtrent et s’identifient à lui. Todd Haynes s’intéresse alors à la force de l’identification et du fantasme au moment de l’adolescence. Au début du film, lorsque les jeunes filles se maquillent, il est écrit au rouge à lèvre sur le miroir : « last mirror before maxwell » c'est-à-dire « dernier miroir avant Maxwell ». La star du glam-rock est alors vue comme étant supérieure, différente et la référence à l'espace est récurrente dans le glam rock avec le personnage de Ziggy Stardust venu d'une autre planète et des chansons aux titres évocateurs comme « SpaceOoddity », « Life on Mars » de Bowie, « Cosmic Dancer » de T-Rex, « Satellite of Love » de Lou Reed. De la même manière les dandys apparaissent comme des êtres d'exception qui s'évertuent à se distinguer des autres humains.
L'artifice, le raffinement sont revendiqués par le dandysme. Dans Le Déclin du mensonge, Oscar Wilde dit que « le but premier dans la vie est d'être le plus artificiel possible » et cela se traduit dans la toilette mais aussi dans la musique. Todd Haynes dit dans le making of de son film que dans le glam rock « la musique et le contenu se ressemblaient : c’était très orné, mélodique et extrèmement travaillé », pour lui « la musique était habillée ». Pour Jonathan Rhys Mayer, l’interprète de Brian Slade « même la musique avait des paillettes », « on mettait du maquillage à la musique ». Au début de Velvet Goldmine, Brian Slade/Maxwell Demon se fait largement laquer ses cheveux bleus alors que son visage est déjà maquillé à l'excès, puis il se fait habiller d'un grand col en plumes superposé à sa tenue pailletée. Le moment de la préparation est central pour le dandy qui doit y passer beaucoup de temps car selon Roger Kempf « l'important est dans ce qui précède et dont seul pourrait témoigner le miroir (le héros a son miroir!) : l'acte de s'habiller ».

Autre caractéristique du dandysme et du glam rock liée à l’artifice est le spectaculaire. En effet à travers leur toilette et leur style ils se mettent eux-mêmes en scène. Pour Françoise Coblence dans Le Dandysme, obligation d’incertitude, le temps passé à la toilette, « the making », correspond à la « fabrication d’un personnage ». Dans Velvet Goldmine, les concerts de Brian Slade sont très théâtraux et il met même en scène sa propre mort en plein concert. Oscar Wilde écrit dans Le Portrait de Dorian Gray : « J’aime jouer. C’est tellement plus réel que la vie ». Quant à Lord Byron, Karin Becker dit de lui qu’il « cherche à s’observer et à se styliser au regard de son public, de sorte qu’il transforme sa vie entière en œuvre d’art. » Pour les dandies le rapport entre la vie et l’art est donc très étroit, le dandy est un artiste car il se crée lui-même. Cette confusion entre l’art et la vie se retrouve dans Velvet Goldmine notamment lorsque Mandy, l’ex-femme de Brian Slade dit que le début de leur mariage en « était la période la plus stimulante et la plus créative ». De plus, Oscar Wilde a dit : ‘J’ai mis tout mon génie dans ma vie ; je n’ai mis que mon talent dans mon œuvre ». Le dandy tend alors à faire disparaître la trivialité de la vie réelle et l’imaginaire joue alors un rôle essentiel. Dans Velvet Goldmine, Brian Slade s’est créé son monde imaginaire fait d’excès, d’orgies, de perruques, de paillettes ou encore de sur-médiatisation. Cette époque est montrée comme une époque bénie où la lumière artificielle et colorée embellit tout. Seulement le réel a fini par rattraper la vie des personnages et ceux interrogés au moment de l’enquête du journaliste sont montrés en pleine déchéance et seuls.

Le maquillage et le costume révèle alors la vision particulière de la vie de celui qui les portent mais il peut également révéler l’intériorité d’un individu.



PARTIE 3 : REVELER LA VERITE INTERIEURE


A) Le simulacre qui révèle l’intériorité


Le fard est une spectacularisation volontaire du visage car il est le fruit d’une véritable création qui se donne à voir. Pour Dominique Paquet, « chaque être est un visage et un théâtre pour lui-même ». Le second visage engendré par le maquillage n’est qu’un simulacre qui se veut authentique et dont la particularité est de simuler en dissimulant. Le « vrai visage » est doublé, souligné ou effacé par un autre devenu autonome et illusoire. L’identité est brouillée par une infinité de voiles qui se confondent avec le visage authentique.
La notion de simulacre est essentielle dans les films baroques où elle s’exprime à travers divers éléments. Il est important de bien comprendre ce que représente l’illusion baroque. Pour ce mouvement qui s’oppose à la théorie platonicienne, la nature n’existe pas et toutes les choses sont artificielles. Pour Emmanuel Plasseraud dans Cinéma et imaginaire baroque, « Si l’on veut rendre justice à l’artifice, il faut se passer de l’idée de nature, ne plus penser que les choses existent selon des principes établis ». Il ajoute que « l’illusion met à jour le côté artificiel de toute vérité ». En effet, l’existence et les individus sont vides. Cela peut être rattaché aux propos du philosophe Levinas pour qui, le maquillage ne révèlerait rien d’autre qu’un vide. Le fard dissimule « la pauvreté essentielle du visage ».
Le miroir est beaucoup utilisé dans le cinéma baroque. Il est le créateur d’un reflet trompeur et révèle la plupart du temps que les individus qui s’y regardent n’ont pas plus de profondeur que leur reflet. C’est le cas dans une séquence d’Amélia Lopez O’Neil de Sarmiento, où un homme est face à son reflet en train de se désolidariser.
La notion de simulacre se retrouve également au niveau des acteurs où ce n’est ni la psychologie ni l’intériorité qui comptent mais le rôle. « (Ils) doivent laisser leur psychologie de côté, pour que seule l’apparence demeure ». Les personnages sont caricaturaux et construits autour de traits déterminés. C’est pourquoi le maquillage est beaucoup utilisé de manière outrancière.


C’est le cas dans Inauguration of the pleasure dome de Kenneth Anger.

Les deux influences du cinéaste sont le magicien anglais Aleister Crowley et Méliès (fonds noirs, décors peints, surimpressions, fondus enchaînés, etc). Le film est sans paroles, accompagné d’un opéra et met en scène des cérémonies de magie noire où les acteurs incarnent des personnages mythologiques. « Tout se déroule dans un monde clos, artificiel, codé, ce qui est le propre des cérémonies ».
Pour Oliver Assayas (Kenneth Anger - Cahiers du Cinéma) l’artifice assumé par les acteurs (costumes, maquillages, coiffures…) permet de révéler leur vérité. « Les individus costumés en divinité apparaissent en tant que tels dans le film, c’est-à-dire cette personne là avec sa personnalité telle qu’elle s’exprime par son visage, tout en étant consciemment et ouvertement déguisée en un symbole par l’intermédiaire duquel elle exprimera tel aspect caché mais profondément véridique d’elle-même ».


Mort à Venise (Visconti, 1971)

Dans Des visages : essai d’anthropologie, David Le Breton explique que le maquillage est indissociable de la peur de la mort : « Le maquillage est un plaisir des sens mais il s’y mêle une gravité, une angoisse omniprésente. » Il ajoute qu’«il s’inscrit dans une résistance farouche contre tout signe de vieillissement, de maladie ou de mort. » Ainsi, le fard est lié au désir d’immortalité, c’est-à-dire un Je idéal qui ne sera jamais atteint. La séquence de maquillage d’Aschenbach mise en perspective avec la fin du film en est l’illustration.
Au début, le compositeur refuse de se regarder dans le miroir car il a peur de son reflet vieillissant. Il est angoissé face au temps qui passe et ne souhaite qu’une chose : rester jeune. C’est pourquoi lorsque le coiffeur lui dit « Vous avez le droit et même le devoir de retrouver votre teinte naturelle (…) que je vais vous rendre en un tour de main », Aschenbach veut vraiment y croire et on lit sur son visage le doute mêlé à l’espoir quand il lui demande « Vous êtes sûr? ». On voit comment Visconti insiste par le zoom sur le récipient contenant la teinture, la poudre blanche appliquée sur le visage puis sur les lèvres et enfin les enfin les yeux en train d’être maquillés pour signifier la transformation qui s’opère grâce aux artifices. À la fin de la séquence, le compositeur prend plaisir à se regarder dans le miroir et esquisse même un petit sourire face à son reflet qui a retrouvé toute sa jeunesse.
La séquence finale montre en quoi ce désir n’est qu’une illusion. En effet, Aschenbach agonise seul sur une chaise, sa sueur faisant couler la teinture le long de son visage et fondre la crème blanche. Son masque tombe et il prend conscience que sa vie et sa jeunesse sont derrière lui désormais, qu’il n’est plus aussi vigoureux que les deux jeunes hommes qui se battent sur la plage. Dans un dernier élan vers le jeune homme qui s’éloigne, il s’accroche avec désespoir à son rêve perdu mais en vain. Il est impossible de figer le temps et son apparence. Seuls le cinéma et la photographie ont le pouvoir d‘immortalité.


B) Le masque


The mask (Chuck Russel, 1994)

Dans le film de John Carpenter, Halloween (1978), le tueur Michael Myers porte un masque, il ne lui permet pas de ne pas être reconnus car tout le monde connait l'identité du tueur au masque blanc. Son masque lui donne une protection fasse au monde, lui permet d'extérioriser le mal qui est en lui. La fonction première ici est donc de faire sortir la réelle personnalité par le biais d'un masque, de plus sans lui le tueur n'est plus capable d'être « lui-même ». « Jamie Lee Curtis lui retire son masque et il perd pendant un moment la face, hagard, comme privé un instant de son arme et de son identité monstrueuse. ».

Il y a un autre personnage au cinéma qui porte un masque lui permettant d'exprimer ses désirs les plus enfouis, sa part caché, c’est celui de Stanley, interprété par Jim Carrey dans The Mask de Chuck Russell. Après avoir trouvé un masque ancien, Stanley rentre chez lui et allume la télé. Un psychologue est interviewé à propos de son livre Les masques que nous portons, dans lequel il écrit que nous portons tous un masque qui réprime nos pulsions. Or, celui de Stanley a l’effet inverse puisqu’il va révéler son intériorité, sa vérité cachée, à savoir son excentricité, l’être qui sommeil en lui.
Le héros est fan des cartoons, quand il est porte le masque il reproduit les attitudes du cartoon. Tandis que le méchant du film incarné par Peter Greene devient encore plus mauvais en portant le masque, il n'y a plus aucune barrière entre lui et le monde. Emmanuel Plasseraud cite dans son livre Cinéma et Imaginaire baroque : « L'homme masqué peut voir sans être vu, peut reconnaître sans être reconnu. Les héros masqués, maléfiques et bénéfiques, Fantomas, Zorro, Batman et autres, ne tirent leurs pouvoir, semble t-il que de ce masque qu'ils arborent et qui les protèges. »
Cette citation nous permet de parler de nouveau des super-héros, il est vrai qu'il est rare de voir un super-héros utiliser ses pouvoirs sans porter son costume. Le costume apporte t-il réellement leur pouvoir aux héros ? Ce n'est qu'un objet, mais pourtant en le portant ils peuvent utiliser leur pouvoir, d'une part pour protéger leur véritable identité mais également être le héros que le peuple attend. Dans le film Superman de Richard Donner (1978), le personnage de superman ne peut s'envoler qu'une fois qu'il porte son costume et jamais nous ne verrons le héros volet sans ce dernier. Et Bruce Wayne impressionne moins que Batman, dans le film Batman Begins, le personnage incarné par Chrisitan Bale confie qu'il est terrifié depuis son enfance par les chauves-souris, il désire donc incarner sa propre peur pour combattre le crime. Tout comme le fait Batman, le maquillage peut être utilisé comme camouflage. Dans le film Predator de John McTiernan, l’extraterrestre utilise un camouflage optique pour se fondre dans la forêt. Le héros du film arrivera à combattre la créature qu'une fois qu'il sera recouvert de boue et devenant ainsi invisible à ses yeux, elle ne voit que par vision thermique.



C) L’artifice qui entraine une perte d’identité


Ed Wood (Burton, 1994)


En 1994, Burton réalise la biographie romancée du réalisateur Ed Wood Junior. Ce metteur en scène qui aimait se travestir était considéré de son vivant comme le plus mauvais réalisateur de tous les temps. Dans ce film, Burton y montre l’amitié qu’entretenait Ed Wood avec Bela Lugosi, le célèbre Dracula (interprété par Martin Landau, récompensé par l‘Oscar du meilleur second rôle et dont le maquillage a également été récompensé)

La séquence de leur rencontre est intéressante car elle montre en quoi le personnage de Dracula colle tellement à la peau de Bela Lugosi qu’ils finissent par être indissociables. En d’autres termes, « le personnage a pris le pas sur la personne, le visage s’est figé en un masque, l’être s’est fondu dans l’apparence » (Cinéma et imaginaire baroque)
Ed Wood rencontre Bela Lugosi, maquillé et coiffé comme un vampire, en train de choisir un cercueil confortable pour dormir lors de la prochaine tournée d’exhibition du « Retour de Dracula ». Après s’être présenté et lui avoir confié qu’il est un de ses plus grand fan, Ed Wood affirme qu’il le « trouve encore plus effrayant dans la vie que dans ses films ». Lugosi lui répond que « pour interpréter Dracula, (il se met) dans un état de transe et ça (lui) prend du temps pour émerger ».
Une deuxième séquence illustre le fait que l’acteur est resté figé dans son rôle. Ed Wood et lui son assis sur un canapé chez lui devant la télé où une présentatrice sensuelle présente une émission à succès sur les films de vampire. Lugosi tente alors de l’hypnotiser par ses pouvoirs mais n’y parvient pas. Paradoxalement, il est conscient qu’ « on ne peut pas être et avoir été ». Il sait qu’il a fait son temps ; d’ailleurs un des enfants venus pour Halloween ne se prive pas de lui faire remarquer en lui disant ce qu‘il redoute le plus : « je sais que t’es pas un vampire, ces dents elles me font pas peur ». Mais il s’accroche désespérément à son rôle passé, quitte à sombrer dans la drogue.



B) Deux exemples d’acteurs qui ont perdu leur identité


Le maquillage peut ne pas révéler une personnalité mais peut en créer une, l’acteur Heath Ledger interprétant le rôle du Joker dans The dark Knight, vivait dans sa chambre d’hôtel entre les scènes de tournage et continuait de jouer son rôle. Il s’est totalement imprégné du personnage au point qu’il partageait presque deux vies pendant tout le temps du tournage. Il y a également d’étranges rumeurs concernant l’acteur Max Shreck qui interprété le vampire dérangeant dans Nosferatu de Murnau, l’équipe du tournage finissait par croire qu’il était réellement devenu un vampire, il gardait beaucoup son maquillage également et se comportait étrangement sur le tournage.



PARTIE 4 : MAQUILLAGE ET SOCIETE


A) Les Geisha


Au Japon, les Geisha et apprenties Geisha, appelé Maiko, se distinguent les unes des autres par leur maquillage. En effet en fonction de leur apprentissage et de leur expérience les Geisha changent de maquillage, par exemple en colorant leurs lèvres ou non. On peut ainsi distinguer les apprentis des Geisha et le maquillage correspond à un code.


B) L’artifice et le rapport aux autres


Aujourd’hui dans nos sociétés occidentales où le look et l’apparence tiennent une place importante, le maquillage est un moteur d’intégration sociale. Sous la pression des images de magasines de modes, de publicité ou télévisuelles et cinématographiques, être maquillé est devenu une norme. Selon Dominique Paquet se maquiller c’est « se peindre des signes et des formes référés aux canons de la beauté (et) à des codes normatifs ». Ainsi, le fard est un langage qui permet à l’individu d’affirmer sa place au sein de la société et de communiquer avec l’Autre.
Zélig, le film de Woody Allen prouve que l’artifice ne sert qu’à se fondre dans la masse et être comme tous le monde. Selon E.Plasseraud, le film de Woody Allen est « une parabole sur l’influence du milieu extérieur sur l’intériorité ».
Ce faux documentaire (utilisant images d’archives, fausses interviews et photos truquées) met en scène, dans les années 1920, un homme caméléon qui change physiquement et psychologiquement selon le milieu dans lequel il se trouve. Par exemple, on le voit Chinois à Chinatown, obèse parmi les obèses ou musicien de jazz dans une boîte de nuit. Son cas intéresse toute l’Amérique et plus particulièrement la psychiatre Eudora Nesbitt Fletcher qui tombe amoureuse de lui. Elle émet l’hypothèse suivante : c’est parce qu’il veut être aimé que Zélig cherche à ressembler aux autres. Elle parvient à le guérir grâce à des séances d’hypnose. Zélig devient alors lui-même avec ses goûts et ses opinions et se marie avec Eudora.

Dans Alchimies du maquillage, Dominique Paquet écrit que le visage est le miroir de la société. Il est « un symbole où se reflètent les possibilités, les contradictions et les fantasmes de la société ». Dans ce film, c’est le corps de Zélig qui est mis en jeu et qui se confond avec tout ce qui l’entoure. Cet homme n’est qu’apparences, il n’a pas d’identité. Il devient une vedette médiatique, on fait des disques et des objets à son effigie. Ainsi, la société américaine projette sur lui ses désirs, ses peurs et ses besoins.
Pour devenir lui-même, Zélig n’avait pas besoin de l’approbation de l’opinion publique mais de l’amour d’une femme. Se faire aimer d’une personne est plus difficile que de se faire aimer de tout le monde car cela engage l’intériorité et non la surface.


C) La séduction


Au sein de la société, la séduction a un rôle primordial. Nous pouvons en distinguer deux types : celui qu’on pratique pour soi-même et celui pour les autres.
L’autoséduction s’opère devant le miroir. Selon Dominique Paquet, il est le lieu de confrontation entre un Je idéal et un devenir aliénant. En effet, le maquillage face au miroir a pour finalité l’embellissement. Le but est de se plaire et d’aimer son reflet. Mais dans le même temps, le visage étant nié par le fard, le Je est détruit pour laisser la place à un autre, un double. Nous pouvons ajouter que le miroir « permet le petit spectacle du Je idéal » toujours selon les mots de Dominique Paquet. Il est donc le lieu d’expression du narcissisme.
Même si l’autoséduction mérite qu’on s’y attarde nous allons nous attacher davantage à la séduction de l’Autre en nous basant sur l’ouvrage de Guy Scarpetta intitulé L’Artifice.
Selon le philosophe, notre époque se caractérise par la résurrection du style Baroque, ce qu’il appelle le « Baroque contemporain ». La thèse de l’ouvrage qui se base sur l’Eloge du maquillage de Baudelaire est que l’artifice peut mener à la vérité mais que cela nécessite « une fièvre, un trouble et une jouissance, un véritable érotisme esthétique ».
Baudelaire procède à deux négations. La première est celle portant sur l’opposition corps (vérité) et ornements (apparence). La deuxième portant sur la primauté de l’intériorité sur la surface. Ainsi, pour le poète, la vérité de la femme s’exprime par sa parure et son maquillage. Ce dernier doit s’afficher dans sa gratuité sans hésiter à s’exhiber comme artifice. Pour Scarpetta, le texte est « une célébration de la séduction » car Baudelaire aborde le fard comme une invitation au plaisir. Dès lors, il est intéressant d’analyser l’actualisation que fait le philosophe de ce texte.
Dans notre société, le maquillage est condamné au profit d’une beauté naturelle et la séduction féminine est associée à l’idée de la femme-objet. Néanmoins, cela tend à disparaître, la séduction redevient un droit et un plaisir car la nature est vue comme un fantasme de la société et le maquillage est déculpabilisé. C’est pourquoi la femme aujourd’hui assume l’artifice comme faisant partie d’elle-même, ceci lui permettant de s’opposer au destin que lui assigne la nature féminine. Selon Scarpetta, « plus une femme s’éloigne du naturel, plus elle est désirable ». C’est pourquoi le maquillage de la bouche et des ongles, qui ont chacun des fonctions érotiques, est remis au goût du jour. Même si le maquillage excessif comme la blancheur du teint ou le rouge violent des pommettes a disparu, une renaissance du maquillage comme ouvertement anti-naturel commence à émerger. Néanmoins, l’artifice aujourd’hui, même s’il reste un jeu, relève davantage de l’art du dosage, du mixage et de la composition, qu’au 18e.

D) Ed Wood et la séduction


Nous avons précédemment abordé ce film du point de vue de la perte d’identité qu’opérait un personnage sur l’acteur. Une autre dimension y est primordiale : celle du travestissement du réalisateur amenant une réflexion sur la séduction.
En effet, Ed Wood assume totalement son envie de se travestir. Lorsque sa petite amie Dolores lui demande depuis combien de temps il aime faire cela, il lui répond : « depuis que je suis tout petit. Maman voulait une fille alors c’est elle qui a commencé à m’habiller comme ça. Et puis après j’ai pris le pli ». De plus, il n’hésite pas à le dire à un producteur en ajoutant que pendant la guerre il a sauté en parachute alors qu’il portait des sous-vêtements féminins.
Le metteur en scène ne se travestit pas pour séduire les hommes. Au contraire, il le fait car il adore les femmes. Son travestissement ne nuit en rien à sa force de séduction.


E) Les Liaisons dangereuses, Stephen Frears (1988)


Les personnages de la marquise de Merteuil et du Vicomte de Valmont sont des libertins multipliant les conquêtes amoureuses. Pour eux l’apparence est primordiale car ils sont constamment dans un rapport de séduction. Au début de l’adaptation de Stephen Frears, on assiste à la longue préparation des deux personnages qui se font habiller et coiffer. Leur vie sociale ne commence que lorsqu’ils sont parfaitement apprêtés. De plus, tout au long du film ils jouent un rôle et se cachent derrière les apparences. Leur toilette participe à l’élaboration de leurs mensonges et de leurs machinations. Madame de Merteuil réussit à garder une image vertueuse dans la société alors qu’elle mène une vie sulfureuse. Son maquillage et sa toilette témoignent de sa dissimulation et de son attitude hypocrite. A la fin du film, elle est démasquée après que les lettres dans lesquelles est expliquée la machination des deux personnages aient été rendues publiques, elle se fait huer. Le maquillage ne peut plus dissimuler son hypocrisie dévoilée au grand jour. La dernière scène du film nous montre alors la marquise de Merteuil devant son miroir en train d’enlever tout le fard sur son visage. Elle se retrouve seule, face à elle-même, le maquillage est devenu inutile car il n’a d’intérêt que dans un rapport d’apparences et de séduction avec la société.



CONCLUSION


Pour conclure, le maquillage et par extension le costume, le masque qui sont des formes d’artifice peuvent avoir des significations et des fonctions bien différentes. Ils peuvent marquer un éloignement avec la nature à travers une dimension divinisatrice, d’affirmation d’une beauté supérieure ou encore artistique. L’artifice est alors revendiqué et connoté positivement. De ce point de vue la personnalité nécessite d’être fabriquée.


D’un autre côté le maquillage et le masque peuvent permettre à l’individu d’extérioriser, d’exprimer par l’apparence sa personnalité, son individualité. L’apparence, qu’elle soit artificielle ou non, est perçue comme le reflet de l’identité. Elle peut également participer à installer un rapport de séduction avec les autres. Cependant ils peuvent également participer à une aliénation de l’individu qui perd son identité.

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