dimanche 10 avril 2011

Le genre comme parodie au cinéma



Introduction

La guerre et l’Occupation ont fortement influencé la représentation des sexes, à la vie comme à l’écran. Depuis 50 ans, la recherche historique et l’histoire des représentations se sont profondément développées en France.
Depuis les années 1970, l’apparition du genre s’est entre autres faites, grâce à un domaine d’étude particulier, les gender studies, (sous domaine des cultural studies = champ disciplinaire qui tente d’appréhender les productions symboliques d’une société donnée en dehors des grilles d’évaluations imposées par la culture dominante) alliant débat et controverses à propos de la question du gender (la différence sociale faite entre les sexes biologiques).
A travers ce champ de recherche, approfondit par différents chercheurs, et d’exemples cinématographiques entre autres, nous relierons ce domaine au cinéma et nous intéresserons à la question du comment le genre est-il devenu une parodie?




Chapitre I

Sexualité - instrument de pouvoir.

Depuis le XIXe siècle, la sexualité était soigneusement renfermée (= la sexualité est un sujet/action/pratique tabou. La seule forme “légitime” de sexe et de la sexualité est celle qui est pratiquée dans le couple conjugal. La “sexualité est renfermée dans la chambre des parents”), et réduite au couple conjugale. Seule la sexualité conjugale était considérée comme légitime. Toutes les autres manifestations sont vues comme des perversités, ou des anomalies. Michel Foucault va déconstruire cette conception de la sexualité comme une expression de son identité. Pour lui, le sexe est un effet du discours sur le sexe, d’un dispositif disciplinaire. Comme il le souligne dans son ouvrage La Volonté de savoir, le dispositif de la sexualité est une sorte d’instrument de pouvoir pour réglementer les relations entre les hommes et les femmes.

Biopouvoir.

Pour rendre cette idée plus claire, il faut parler de la notion de biopouvoir. C’est un type de pouvoir qui s’exerce sur la vie (la vie des corps et celle de la population). Ce type de pouvoir est fortement liée à l’économie par le relais du corps - corps qui produit et qui consomme. Le biopouvoir contrôle chaque sujet individuellement et le transforme en corps soumis et productif (pour le bien et la (re)productivité du corps social).
L’individu doit s’identifier selon les règles imposées (il doit s’inscrire dans les normes. Je crois qu’on a abordé cette idée en ue6 ciné et société, quand on a parlé de Rosetta. Tu te souviens? Le système démande d’invidu qu’il s’inscrit dans ces normes, par exemple - qu’il trouve travail (qui va déterminer sa classe sociale..), qu’il crée sa famille (pour la réproduction),etc.. ). Au sujet de la sexualité, la norme principale est le couple conjugal hétérosexuel. Ceux étant en dehors de cette norme étaient considérés comme des pervers, cette innombrable famille de pervers s’avoisine aux délinquants et s’apparentent aux fous.
De part cette apparentée, ces individus étaient même punis par la société à travers un système d’exclusion. Dans les siècles précédents, les exclus étaient emprisonnés, apparentés aux fous, etc... De ces deux modes d'exclusion découlaient une confiscation de la parole et d’opinion. Dans une société qui crée ces règles, la sexualité est vue comme une expression de soi ou de l’identité.
En outre, le pouvoir, sous forme de menace et de chatîment, met en place une certaine forme de suppression - l’individu qui n’obéit pas aux normes imposées risque d’être supprimé - exclu ou disqualifié de la société.

Gender studies.

Être dans les normes signifie se comporter selon les codes établies, ils sont la matière constructrice du genre. De là, le pouvoir répressif efface les frontières entre le sexe et le genre. De plus, il part de l’idée que le genre est une représentation du sexe, et pour éviter tout désaccord possible sur ce thème, le genre est abordé comme quelque chose de naturel (et naturel est souvent vu comme synonyme d’une vérité absolue). Mais il ne l’est pas, il naît juste des répétitions des codes fondateurs.

Les gender studies (ou parfois gender, cultural & queer studies) est un vaste domaine de débat sur la question du gender (c'est-à-dire du genre sexuel, différence sociale faite entre les sexes biologiques) qui s'est développé depuis les années 1970. Ce domaine d'étude veut montrer comment les inégalités dont sont victimes les femmes s'appuient d'une part sur une idéologie légitimant, de fait, l'oppression des femmes et d'autre part sur un ensemble de mécanismes sociaux qui tendent à présenter comme naturelle une division inégalitaire des rôles sociaux entre les hommes et les femmes. Judith Butler, la représentante la plus connue de ce domaine explique la nature du genre: Selon elle, le genre n’est pas l’expression du sexe, alors que l’identité de genre est le résultat d’un effet de répétition régulé des codes de performance de genre.

Le sujet est culturellement construit, et si l’on comprend l’identité comme une pratique (signifiante), on en vient à concevoir les sujets culturellement intelligibles comme les effets d’un discours comportant des règles et qui s'insère dans les actes signifiants, courants et ordinaires de la vie linguistique. Lorsqu’on dit qu’un sujet est constitué, cela veut dire qu’il est une conséquence des discours suivant des règles et gouvernant l’invocation intelligible de l’identité. Le sujet n’est pas déterminé par les règles qui le créent, parce que la signification n’est pas un acte fondateur, mais un processus régulé de répétition.

Si les règles gouvernant la signification ne sont pas purement restrictives, mais qu’elles permettent aussi d’affirmer d’autres domaines d’intelligibilité culturelle, c’est-à-dire d’ouvrir de nouvelles possibilités en matière de genre qui contestent les codes rigides des binarités hiérarchiques, alors ce n’est que dans les pratiques répétées de la signification qu’il devient possible de subvertir l’identité. En s’appuyant sur le caractère performatif, De Laurentis a re-défini “la construction du genre comme étant à la fois le produit et le processus de la représentation et de l’autoreprésentation”.

Les exemples les plus explicites de genre comme une performance ou une construction culturelle, produite par la société de domination masculine, sont sans doute le mouvement queer et les pratiques de travestissement. Peut-on continuer à parler de « femmes travesties» sans questionner la construction à la fois hétérocentrée et masculine du travestisme, « perversion-inversion » essentiellement vestimentaire et qui n’a de sens que dans un régime hétéro-sexuel binaire établissant une continuité réglée entre sexe et genre, entre le sexe biologique, le masculin et le féminin ? En proposant un aperçu des différents modèles interprétatifs du travestisme : le modèle médical (les sexologues de la fin du XIXe et du XXe), le modèle féministe émancipationniste (Beauvoir), le modèle queer de la performativité (Butler), l’article retrace la généalogie des exclusions, des frontières et des délimitations oublieuses qu’entraîne une fidélité aux définitions disciplinaires ou idéologiques du « travestisme » des femmes. Parler de « pratiques transgenres » permettrait d’embrasser un plus grand nombre d’expressions de genres et de réévaluer la pseudo exceptionnalité du « travestisme ».

Selon Judith Butler la pratique ‘drag’ peut être vue comme un moyen de se moquer de la notion qu’il existe un genre “original”. Donc les pratiques de drag et de travestissement peuvent êtres considérées comme parodie de la notion du genre. Nous allons aborder cette idée plus profondément dans le chapitre suivant.

Chapitre II: Le genre comme parodie.

Le mouvement Queer

Le mot queer est, à la base un mot anglais signifiant «étrange», ou encore «déviation de normes conventionnelles». Ce mot est souvent utilisé comme une insulte envers les gays, les lesbiennes, les transsexuels… Par ironie et provocation, il fut récupéré et revendiqué par des militants et intellectuels gays, transsexuels, travestis et transgenres à partir des années 1980, dés l'émergence des gender studies.

Nous allons nous appuyer sur l’analyse de ces “sous-catégories” comme les travestis (par exemple les drag-queen), et les trangenres (butch-femme). Car selon Judith Butler, ces catégories déstabilisent exactement l’idée normée du genre, en le parodiant. Néanmoins, ces pratiques sont généralement associés à l’homosexualité, elles peuvent être pratiquées indépendamment de l’orientation et de l’identité sexuelle. La pensée queer peut apparaître artificielle par son obsession de la performance et de mise en scène des corps et des actes. A ce niveau, les travestis et les transgenres sont les exemples les plus explicites et les plus visibles.

Le travestissement

Le terme de “travesti” a l’inconvénient de mettre l’accent sur le “fétichisme du vêtement”, ce qui tend à assimiler la performance du genre à un tour de passe-passe vestimentaire. En effet, le travesti et la pratique du travestissement ne sont souvent réduits qu’aux pratiques du déguisement - en fait, le travestissement fonctionne comme une sorte de démonstration de la construction du genre.

Comme le souligne Marie-Hélène Bourcier, le travesti ne se limite pas à une pâle ou une extravagante imitation de la vraie femme ou d’une vraie féminité, la drag queen révèle le monde de la production du genre qui est aussi celui de la féminité hétérosexuelle.
Tout genre, y compris la masculinité hétérosexuelle, est une performance de genre, c’est-à-dire une parodie sans original. Tout comme la performance ‘butch’ n’est pas l’imitation des genres masculin/féminin, elle est une performance du genre au même titre que les genres masculins et féminins hétéronormés.

Si l’on part de l’idée que le genre en sa nature est performatif, les codes de comportements classifiées féminins effectués,répétés par les drag queen, les aménent à une construction d’identité féminine. (la femme ‘butch’ a une démarche nonchalante et plutôt masculine et droite, le gai a des attitudes et des mimiques dîtes efféminées... )

Du genre à la parodie

Comme nous l’avons vu dans les paragraphes précédents, le genre est le résultat de la répétition, de l’imitation, régulé des codes de la performance de genre. Pour atteindre le résultat - telle ou telle identité sexuelle/tel ou tel genre; les individus concernés choisissent d’imiter les codes les plus caractéristiques, les plus hyperboliques (les cheveux très courts des ‘butchs’, la main en l’air des gays, autres stéréotypes...) - de ce point de vue là, le genre devient une sorte de parodie. (Par définition, la parodie est dîtes d’une ‘chose imitant la forme d'une autre, mais en la vidant de tout contenu ou signification’ - ‘toute forme d'imitation comique, de travestissement burlesque...’ , plus généralement, un pastiche ou une caricature.)
Paradoxalement, la définition du mot travestissement propose la parodie comme un de ses synonymes. Le drag queen, et les performances de genre ne sont pas que la monstration hyperbolique du caractère construit de la féminité - et on pourrait en dire autant de la masculinité.

En définissant l’identité sexuelle et le genre comme performatifs, c’est-à-dire comme résultat d’un effet de répétition des codes de performances de genre, Butler dit clairement que l’hétérosexualité, comme tout genre, est une parodie, c’est-à-dire une imitation sans original du genre masculin ou féminin (pas naturel). Tout genre, y compris la masculinité hétérosexuelle, est une performance de genre, c’est-à-dire une parodie sans original. Pour approfondir cette démarche, Judith Butler cite la parodie comme le travestissement, comme une manière de déstabiliser et de mettre en lumière les présupposés à propos de l’identité de genre. Elle pense qu’une politique positive et transformative ne peut émerger qu’en redéployant les jeux de l’identité et en montrant que toute tentative pour “devenir” le genre de quelqu’un est voué à l’échec.

La question de l’identité:

L’identité féminine hétérosexuelle est construite à partir des mêmes codes. L’identité est comme un instrument politique stratégique, susceptible de servir à déconstruire les identités masculine et féminine, homosexuelle et hétérosexuelle qui cachent des formes de violence et d’oppression. Dans ce cas, l’identité est perçue comme un effet. Paradoxalement, le fait de reconsidérer l’identité comme un effet, c’est à dire comme étant produit ou crée, ouvre des possibilités en ce qui concerne la ‘capacité d’agir’ qui étaient insidieusement forcloses par des positions tenant les catégories de l’identité pour fondatrices et fixes. Dire qu’une identité est un effet veut dire qu’elle n’est ni fatalement déterminée ni complètement artificielle et arbitraire.

Exemples:

Mademoiselle de Maupin
Les gender studies abordant le thème de genre comme parodie se sont développées dans les années 1980, et certains exemples peuvent même dater du XIXe siècle, tel que le roman Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier, publié en 1835. Ce roman raconte la vie de Madeleine de Maupin qui, avant de succomber aux avances des hommes, désire se travestir afin de connaître leurs secrets. Elle parcourt donc le monde, sous le nom de Théodore. Elle ne se limite pas au déguisement d’homme, elle révèle un vrai caractère bisexuel. Maupin, déguisée en homme, ne fait pas seulement croire à son identité masculine, elle arrive (et le pratique souvent) à séduire les femmes, qui n’éprouvent pas le moindre doute sur sa masculinité.

Maupin se travestit largement au niveau vestimentaire: lorsqu’elle est déguisée en homme, elle s’équipe d’une pure panoplie masculine: épée, pistolet, cravache, ce qu’une logique féministe d’aujourd’hui ne manquerait pas de faire remarquer en disant que ce déguisement fait de Maupin l’agent d’un renforcement du modèle masculin traditionnel. Ainsi, nous pouvons souligner que le déguisement de Maupin ne consiste pas uniquement à se déguiser en homme - en effet, elle est/fait les deux genres.

Le passage facile de l’un à l’autre insiste sur la parodie de genre; et cet exemple nous montre bien que le genre n’est pas une vérité naturelle, inéchangeable, mais au contraire - un ensemble des codes de performance.

Au cours des changements d’identité sexuelle, Maupin, finit regulièrement par perdre la sienne - elle perd son identité sexuelle unique. Elle finit par s’apercevoir qu’elle n’appartient pas tout à fait à un des deux sexes, et qu’elle est “un troisième sexe à part qui n’a pas de nom”. Elle souhaite avoir tour à tour les deux sexes pour satisfaire cette double nature. Ainsi les jeux sont faits: le travestissement de l’apparence s’est fait révélateur de l’essence - avec ce souhait elle révèle une dimension hermaphrodite.

Lady Gaga
Lady Gaga, de son vrai nom Stefani Germanotta, 24 ans, a été sacrée «artiste la plus influente de l'année» en 2010 par le magazine américain Time. Il ne se passe pas une semaine sans que les journaux ou le Web évoquent ses tenues extravagantes ou ses déclarations mégalomanes.
Certains la qualifient de «produit marketing», d'autres d'«artiste contemporaine de la musique».
Nominée pour six Grammy Awards, elle entame une tournée mondiale au cours de laquelle elle fait sensation avec ses tenues, ses shows millimétrés et l’engouement qu’elle suscite dans la communauté homosexuelle - la presse parle alors de «phénomène Gaga».

Sa célébrité agace: Les chanteuses Grace Jones, Christina Aguilera ou MIA l’accusent de pastiche
Pourtant, Lady Gaga échappe au schéma classique - elle est la première chanteuse d’une culture postpop, qui utilise le simulacre comme moyen d’expression, qui ose mêler des références ultra pointues avec des notions grand public - elle synthétise son époque.
Lady Gaga est une incarnation de chanteuse, la créature (le «fame monster») de Stefani Germanotta.
Le VISAGE
Ses traits ne sont jamais les mêmes: Bimbo blonde dans la vidéo de Just Dance, poupée japonisante dans celui de Paparazzi ou prisonnière trash dans celui de Telephone, elle change de visage, à grands renforts de maquillage, tout comme les travestis.

Dans Ingrid Caven, l’écrivain Jean-Jacques Schuhl évoque le Maske de maquillage que la chanteuse allemande met avant de monter sur scène, Lady Gaga vit avec ce Maske permanent.
Elle se maquille les yeux comme le Ziggy Stardust de David Bowie, peint ses lèvres comme le chanteur allemand Klaus Nomi (icône de la scène New Wave du début des années 1980, il apparait à la fois comme un chanteur d'opéra hors norme et un artiste de cabaret au look inclassable) et comme le performer sud-africain Steven Cohen (funambule de la performance, cet artiste total exhibe son corps comme matière et œuvre), se coupe et se teint les cheveux comme une playmate - Rien dans son visage n’est sérieux, tout est parodie!

Mais ses références sont déjà des parodies (Freddie Mercury, Madonna), elle est dans la caricature de la caricature. Elle imite une culture pop et en bouleverse les références, son visage est un espace vide qui va chercher dans toutes les inspirations pour se créer une apparence.
Le COSTUME.
Elle porte des robes faites en bulles de plastique, des combinaisons en dentelle rouge qui masquent son visage - c’est son allure qui l’a rendue célèbre et qui a fait le plus jaser.
A la manière des Dupondt d’Hergé, elle s’empare des stéréotypes des pays qu’elle traverse, passant un séjour entier au Royaume-Uni une tasse de thé à la main. Le personnage de Lady Gaga est inséparable de son costume - jamais Stefani Germanotta n’est apparue de manière sobre, la chair et le costume forment un tout!
La chanteuse a pour cela créé la Haus of Gaga, un collectif regroupant ses amis qui conçoivent ses tenues, ses accessoires et la mise en scène de ses spectacles.

Le SEXE.
Qu’y a-t-il entre les jambes de Lady Gaga ?
La question a fait polémique après un concert où elle a été vue avec une bosse à l’entrejambe. Alors qu’elle multiplie les allusions au sexe, le robot ne semble pas avoir de vie sexuelle.
Les paparazzi ne l’ont jamais photographiée au bras d’un homme ou d’une femme. Elle caricature la sexualité et, de ce fait, écarte le risque de devenir un fantasme ou une pin-up.
Et justement, puisqu’elle refuse d’être une créature sexuée, le système médiatique, dont on connaît le machisme, s’offusque.
Les rumeurs sont lancées : Lady Gaga serait un homme, un transsexuel, une lesbienne, peu importe puisque la métamorphose postpop échappe aux normes de genre.
Sa sexualité est virtuelle, elle chante : «We’re plastic but we still have fun». Elle s’adresse à une génération, les 15-25 ans, qui a découvert la sexualité par Internet, les réseaux sociaux, les films pornos en ligne et les sites de rencontre.

Dans de nombreuses interviews, elle affirme vouloir devenir la porte-parole des «freaks» (les non-conformistes), et rend en permanence hommage à la communauté gay - la chanteuse a donné des discours pour des associations antihomophobes ou de lutte contre le sida.
La machine Lady Gaga est parfaitement huilée -tout est assumé, la jeune femme ayant, semble-t-il, tout compris de son époque : « on peut être une artiste grand public et s’inspirer de l’avant-garde artistique, vouloir gagner de l’argent et critiquer la société qui l’entoure, être dans la caricature et avoir de l’émotion ».
Le film Paris is burning nous montre des personnalités proche de celle de Lady gaga qui s'inspire amplement de la culture lesbienne et travestis mettant en déroute les normes dominantes grâce à son influence international.

LADY GAGA COMME PERFORMANCE
Sur la couverture du magazine britannique Q, Lady Gaga est en pied, le buste entièrement nu, se masquant les seins d'une main gantée de vinyle noir aux doigts prolongés en pointe, façon Edward aux mains d'argent.
Un détail attire l'oeil: à l'entrejambe de son pantalon noir, on distingue un long renflement à la forme phallique.
Lady Gaga s'explique en raison d'une rumeur la disant hermaphrodite:
"J'ai une voix plutôt grave et sur scène, je montre une attitude masculine. Alors, forcément, on se dit qu'il y a anguille sous roche... Sur la photo, je voulais être comme Mick Jagger."

Lady Gaga se réclame davantage de la "performance" au sens visuel du terme que du simple spectacle musical, citant notamment les "installations" du photographe Spencer Tunick, artiste travaillant sur l'inattendu (il a récemment sévi dans les vignes du Mâconnais, où ses modèles, nus, brandissent chacun une bouteille de vin entamée).

Par exemple, la vidéo Telephone, se passe dans une prison de femmes imaginaire, d'un style évidemment sadomasochiste et fétichiste, elle est un vrai petit film,se situant entre Marilyn Manson (style sadomasochiste, osé) et Quentin Tarantino (très coloré, un peu à l'image de Pulp Fiction).

Aux MTV Awards de 2010, Lady Gaga a interprété au piano sa chanson Paparazzi, le talon de sa cuissarde blanche posé sur le clavier - en terminant couverte de faux sang, tournoyant, pendue à un cordage. Elle voulait se montrer comme un "martyr dans sa blondeur glorieuse", se comparant à Marilyn Monroe et Lady Diana, "crucifiées par les médias".




Chapitre III: Représentations du genre au cinéma.

Le cinéma est une production culturelle collective, à la fois au niveau de sa fabrication et de sa consommation; il est en tout point un lieu privilégié d’expression de l’imaginaire social. Le cinéma met en scène un certain nombre de normes, de règles, de stéréotypes construites par la société, de là, il les reproduit, les modifie et les diffuse. Dans les paragraphes suivant, nous allons voir comment le cinéma participe à la création de ce que l’on appelle le genre et en quoi il révèle son statut parodique en nous appuyant sur l’âge d’or du cinéma classique hollywoodien (période 1940 - 1960).

Le cinéma classique hollywoodien peut être vu comme un diffuseur de stéréotypes, de normes sociales mais également comme une sorte de metteur en scène des relations hommes - femmes. La représentation des relations entre les deux sexes est fortement réglementée par la domination masculine, en effet, les femmes sont généralement représentées de deux façons: soit comme femme au foyer, soit comme objet de désir sexuel (les deux représentations peuvent s'entremêler).

Comme le souligne le réalisateur américain Budd Boetticher:
Ce qui compte est ce que l’héroine représente ou ce qu’elle provoque. C’est elle qui aime, craint ou inspire le héros masculin. Elle peut également être son inspiration du héros, le poussant à agir de telle ou telle façon. Elle, en tant que femme n’a pas ou peu d’importance.” Ce qui compte, c’est la façon dont elle joue son genre.

Le point de départ est de considérer que le genre est crée selon le sexe, à l’époque, les femmes à l’écran devaient subir le pouvoir masculin, pour cela, elles étaient toujours bien maquillées et bien habillées pour plaire à l’oeil masculin (celui du personnage ainsi que celui du spectateur).

Les femmes étaient regardées car elles étaient consciemment exposées, exhibées - elles étaient représentées à l’écran par l’intermédiaire du regard masculin.
Pour les spectateurs masculins, elle était un objet de désir sexuel, mais pour les spéctatrices elle servait d’idéal féminin,de modèle qui joue bien son genre (à l’écran la femme “montre” comment jouer/construire le genre féminin.), elle devient plus généralement une femme ‘parfaite’, à la fois admirée et désirée par les hommes.

En ce qui concerne la représentation des hommes à l’écran, nous pouvons dire qu’ils sont représentés à travers une exagération de la virilité. Le personnage masculin s’occupe de tout, il est sûr de lui et il domine toujours la situation - il est à la fois robuste et gentleman. Généralement, dans les relations homme/femme, c’est lui qui domine et la femme qui subit; il travaille et raméne de l’argent pour le foyer etc..
Ainsi, nous pouvons remarquer, que sans exception, les personnages principaux étaient des individus performant parfaitement leur genre, en faisant croire aux spectateurs que cela est naturel (Par exemple - les femmes à l’écran étaient soumises, en l’étant, elles font croire que cela est “naturel”) Bref, une femme incarnait l’ensemble des caractéristiques étiquetées comme féminines (par exemple maquillage, code vestimentaire, soumission aux hommes, fait d’être là pour aider/faire le ménage/les inspirer mais jamais être pour elle-même); tout comme l’homme dans ses propres caractéristiques.

L’âge d’or du cinéma classique hollywoodien est aussi l’âge de censure, en effet, la durée des baisers étaient chronométrée, elle ne pouvait pas dépasser un certain temps. Tout ce qui pouvait évoquer la dimension érotique des relations hommes - femmes était laissé hors champ, ou comme le dit Foucault, enfermé dans la chambre des parents.

Le cinéma hollywoodien ne peut pas être nommé comme créateur des normes et de genre, il s’inscrit plutôt du côté de la diffusion de ces normes. Il les rend désirables pour la population, à travers l'identification des personnages principaux. Le spectateur finit par imiter les stars, comme le dit Judith Butler: Devenir Helen Hayes ou n’importe quel autre star.
Nous voyons à nouveau la dimension parodique: pour vivre comme les stars, pour s’assimiler à eux et pour ne pas être exclu (les stars incarnaient les valeurs positifs d’une nation, ils sont des objets d’admiration. Pour les spectateurs ils ont “l’identité parfaite”, définies par les normes sociales. Il y a donc une volonté d’être comme eux, c’est-à-dire s’inscrire dans les règles de la société normée).

Toute ce système peut être perçu comme un cercle vicieux de la parodie, où tout le monde parodie tout le monde (le public parodie les manifestations du genre comme ils les voient sur l’écran sur lequel on diffuse les manifestations/constructions de genre empruntées à la société). Ceux qui étaient en marge des normes (ceux qui étaient queer!) “se transformaient” sur les écrans en méchants, en objets de rire ou de haine..

À l’époque contemporaine, la représentation du genre tel qu’on le voit dans les films de l’époque classique hollywoodienne a quasiment disparu. Il y a toujours des films (généralement les productions pour grand public) qui diffusent les stéréotypes du genre, mais d’une manière beaucoup moins perceptible. La fonction du cinéma comme diffuseur de stéréotypes s’est considérablement amoindrie. Cette diminution est crée par les films reprenant l’idée de parodie (ils contribuent à la parodie de genre). Cette tendance existait déjà à l’époque classique hollywoodienne.
Par exemple le film de Billy Wilder Certains l’aiment chaud, réalisé en 1959. Un autre exemple, plus contemporain est celui de Tootsie (1982) de Sydney Pollack. Les films Paris is Burning (1990), réalisé par Jennie Livingston et Hedwig and the Angry Inch (2001), réalisé par John Cameron Mitchell nous montrent que l’écran cinématographique est devenu accessible aux représentations les plus explicites du genre comme parodie (lesbiennes,drag queen...)

Exemples

Nous allons prendre pour exemples deux films: Certains l’aiment chaud. Ce film est en quelque sorte un paradoxe. Il révèle la dimension parodique du genre, mais en même temps il est une production du cinéma hollywoodien classique, qui reste fidèle aux représentations du genre par la société de domination masculine. Le sécond film Tootsie de Sydney Pollack nous montre la constructibilité du genre par des pratiques vestimentaires et des répétitions des codes de genre hétérosexuel.


Conclusion

À travers les différentes approches de Judith Butler, Marie-Hélène Bourcier, ou encore Michel Foucault, accompagnées d’exemples liés à la question du genre, nous avons vu que ce dernier était un sujet vaste et avide de recherches.
En résumé, Judith Butler a dit que pour démontrer que les catégories fondamentales de sexe, de genre et de désir sont les effets d'une certaine formation du pouvoir, et qu’il fallait recourir à une forme d'analyse critique que Foucault, à la suite de Nietzsche, a nommée généalogie. Il s'agirait pour cela « de chercher à comprendre les enjeux politiques qu'il y a à désigner ces catégories de l'identité comme si elles étaient leurs propres origine et cause alors qu'elles sont en fait les effets d'institutions, de pratiques, de discours provenant de lieux multiples et diffus.» Le but à atteindre étant défini par une volonté de déstabiliser « le phallogocentrisme et l'hétérosexualité obligatoire.» Il s'agit aussi de repenser l'organisation sociale selon des modèles homosexuels ou transsexuels. Pour Butler, un des moyens de déstabilisation est la parodie du genre qui s’effectue par telles pratiques comme travestissement et drag. Mais il faut noter que toutes les pratiques de la parodie consistent en une exagération des codes fondateurs du genre. C’est-à-dire que les drag et le travestissement sont construits par les mêmes pratiques (codes de comportements, pratiques vestimentaires, etc...) que le genre hétérosexuel, dits “normal”. Ces pratiques prouvent par excellence que tout genre n’est qu’une parodie, et qu’il n’y a pas d’original.
Ces questions d’actualités, remettant en cause les structures déjà normées, nous ont été représentées à l’écran, autant sur le petit que sur le grand. En effet, le cinèma étant un outil à la fois de représentations mais également de déformation, il projette, traduit, met en scène la vie sous différentes formes en suivant l’évolution de la société.
La déformation étant fortement présente, elle fait découler, de ce fait, la parodie, à travers l’imitation, relative aux représentations.
Nous pensons donc qu’il y a un certain découlement naturel du genre vers la parodie, étant déjà bien ancré dans le cinèma dès sa naissance au début du 19eme siècle. Car la parodie a toujours été plus ou moins présente, mais elle a trouvé une autre signification dès que le domaine de recherches sur le genre s’est développé, se faisant, ils se sont en quelque sorte, complétés, ou du moins se sont trouvés reliés les amenant à une approche et une vision diffèrente et novatrice, bousculant les règles déjà posées.





Bibliographie:

Noel Burch, Genevieve Sellier, La drôle de guerre des sexes du cinéma français 1930-1956, Coll. 128, Paris, Éditions Armand Colin, 2005

Judith Butler, Trouble dans le genre, Le feminisme et la subversion de l’identité, Paris, La Découverte, 2006

Marie Hélène Bourcier, Queer Zones 1, Femmes travesties et pratiques transgenres: repenser et queeriser le travestissement, texte imprimé.

Marie-Hélène Bourcier, Queer Move/ments (texte imprimé)

Marie - Hélène Bourcier, Sexpolitiques, Queer Zones 2, Paris, Éditions La Fabrique, 2005

Michel Foucault, L’Histoire de la sexualité, Tome I, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.

Théophile Gautier, Mademoiselle de Maupin, Paris, Éditions Gallimard, 1973.

Articles de presse :
Lady gaga ou le phénoméne gaga par Stefani Germanotta, Libération.fr par Clément Ghys 16/05/2010.
Le phénoméne Lady gaga décrypté, L’express.fr par Michka Assayas 6/05/2010.

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