mardi 12 avril 2011

Le monstre et le monstrueux


Introduction

De tout temps et encore aujourd’hui le monstre est perçu comme une chose et non un homme. Il est très difficile pour l’homme de s’associer à l’image de quelqu’un de différent de lui. Selon le dictionnaire Larousse : « un monstre est un être vivant présentant une extraordinaire malformation ». C’est cette malformation extraordinaire qui fait que l’homme ne peut associer la personne monstre au même genre que lui. Il ne peut non plus lui trouver des ressemblances avec une bête ou un animal même si très souvent on retrouve des ressemblances entre le dit monstre et un animal. On retrouve souvent des écrits dans lesquels on apprend la naissance d’un animal par une femme.
Mais l’homme n’a pas toujours été à l’encontre des monstres. On va découvrir qu’en fonction des siècles et des lieux, le monstre n’a pas toujours eu la même image, il peut être une sorte d’annonce prophétique (notamment durant l’Antiquité) mais aussi une annonce maléfique (Moyen Age). Beaucoup de scientifiques se sont penchés sur leur cas, émettant parfois des hypothèses qui aujourd’hui peuvent nous paraître fantaisistes.
On a travaillé la question du monstre à partir de cette idée : quelle a été l’image du monstre durant les différents siècles ?
Pour répondre à cette question on va d’abord avoir une vision d’ensemble du monstre dans l’Histoire. Ensuite on parcourra la figure du monstre pour terminer sur une analyse du film Freaks qui est une bonne illustration des monstres et de comment il peut être perçu par la société.




1. L’histoire du monstre

Le monstre n’a pas toujours eu la même représentation au cours des siècles précédents. Pour Georges Canguilhem dans La connaissance de la vie : « la nature a un type idéal en toute chose, c’est positif, mais jamais ce type n’est réalisé. » L’homme a un idéal qu’il s’est forgé, une idée forte que chaque homme, même s’il est très différent d’un autre, à quelque chose de ressemblant avec les autres hommes. Si il n’y a pas cette ressemblance, l’homme va se poser des questions quand à ces anomalies qui peuvent être présentes. Pour Canguilhem, l’homme est perdu face au monstre ou au monstrueux car on nous a enseigné l’ordre et que « le même engendre le même ». Il explique que : « le monstre, c’est le vivant de valeur négative, sa valeur est de repoussoir {…}. C’est la monstruosité et non pas la mort qui est la contre-valeur vitale {…} ».
On va percevoir le monstre de différentes façons : peur, fascination mais aussi parfois une certaine curiosité.

·      Période de l’Antiquité

Pour parler de cette période, on va s’inspirer de ce qui est racontée au début du livre d’Ernest Martin Histoire des monstres. Le livre débute par le récit d’une découverte archéologique en Egypte en 1826. On découvre dans un tombeau une étrange momie. Pour les chercheurs, cette momie ne pouvait être un homme, elle avait une apparence proche de celle du singe. On demanda à Etienne Geoffroy Saint-Hilaire ce qu’était cette momie pour lui et il démontra que derrière les bandelettes se trouvaient un homme au corps monstrueux.
De part cette découverte, on compris que dans l’Egypte ancienne, une place spéciale était réservée au corps monstrueux. Il n’était pas une bête ou un homme que l’on rejetait mais on pouvait l’associer à une des divinités des égyptiens. C’est pourquoi cette momie retrouvée au 19ième siècle a eut ce privilège d’être momifiée et préservée pendant de longues années, elle a reçu les mêmes soins qu’un autre humain.
Un autre traitement est réservé au monstre (toujours dans l’Antiquité) à Rome ou en Grèce. La vie et la naissance des monstres sont réglementées par une jurisprudence. Par exemple, Romulus a interdit l’exposition d’enfant ayant une difformité si au moins cinq voisins avaient donné leur consentement. On ne peut montrer ses enfants aux autres que s’ils sont dits et perçu comme « normaux ».
Il y aussi des droits que se donne les citoyens comme celui de brûler les monstres s’il le faut. On autorisait les pères le droit de tuer leur enfant si celui-ci avait une infirmité car il fallait des citoyens en bonne santé pour se battre, une quelconque infirmité rendait impossible le combat. On accorde une attention particulière à la naissance du monstre qu’il provienne d’une femme ou d’un animal. Ainsi en Grèce, on fait appel au devin pour connaître quel est le présage bon ou mauvais derrière cette naissance.
Le sort réservé à la mère du dit monstre n’est pas meilleur. À l’exception de l’Egypte, on sacrifie également la mère, on la condamne d’avoir mis au monde un enfant monstrueux qui n’est plus considéré comme enfant. La mère est très souvent lapidé, elle est là pour expier une faute (qu’elle ou son mari avait peut-être commis), le ciel l’a désigné par cette naissance comme responsable. À Rome, le sort est à la base presque aussi cruel. La mère doit disparaître pendant quelque temps car la population souhaite sa mort. Après quelque temps, vient l’apaisement et elle peut revenir dans son foyer tout en se purifiant du mal qui l’avait touché.

·      Le Moyen Age et la Renaissance

Lors du Moyen Age, c’est une vision moins contrastée que l’on retrouve à propos du monstre. Pour Ambroise Paré, les causes des monstres sont au nombre de treize, il les énumère dans son livre Des monstres et des prodiges :
                       I.        La première est la gloire de Dieu.
                     II.        La seconde, son ire.
                   III.        La troisiéme, la trop grande quantité de semence.
                    IV.        La quatriéme, la trop petite quantité.
                      V.        La cinquiéme, l’imagination.
                    VI.        La sixiéme, l’angustie ou petitesse de la matrice.
                  VII.        La septiéme, l’assiette indecente de la mere, comme, estant grosse, s’est tenue trop longuement assise les cuisses croisées, ou serrées contre son ventre.
                VIII.        La huitième, par cheute, ou coups donnés contre le ventre de la mere estant grosse d’enfant.
                    IX.        La neufiéme, par maladies hereditaires, ou accidentales.
                      X.        La dixiéme, par pourriture ou corruption de la semence.
                    XI.        L’onziéme, par mixtion, ou meslange de semence.
                  XII.        La douziéme, par l’artifice des meschans belistres de l’ostiere.
                XIII.        La treiziéme, par les Demons ou Diables.[1]

Cette dernière cause est une des plus importante, on a souvent crus que les monstres ou personnes ayant des formes différentes venaient des entrailles de l’enfer. On croit que le monstre apparaît dans un royaume ou une maison pour punir les habitants. Le monstre est la punition aussi de Dieu qui ne protège plus la famille de son pouvoir divin.
Comme durant l’Antiquité, le monstre va être mis à mort et les parents (encore la mère) sont les fautifs de cette naissance, ils sont soit punis ou bannis. Le monstre n’est plus seulement physique, il peut aussi être celui qu’on accuse de sorcellerie envers des personnes. C’est pourquoi le sort du monstre est souvent le même que pour le ou la sorcière. On tente d’abord de le purifier par la religion et si cela ne fonctionne pas, le monstre sera brûler ou chasser.

·      L’époque contemporaine

Dès le 18ième siècle, le monstre n’est plus perçu comme la chose qu’il faut fuir, celle qui peut apporter le malheur. On va commencer à étudier le monstre, il peut nous apprendre quelque chose sur la conception de l’homme. Les monstres vont être peu à peu exposer au regard des autres que ce soit dans des foires ou même étudier dans des universités. Le monstre est exposé vivant mais aussi mort car il a toujours sa différence. Ces exhibitions des monstres se prolongent encore durant le 20ième siècle. Les personnes qui se rendent dans ces foires sont à la recherche de sensation, d’une différence frappante.
Il faut faire attention de ne pas associer la figure du monstre à celle de l’handicapé. Trop souvent, des personnes voient en l’handicapé une forme de monstruosité, le terme handicap ne contient pas seulement les personnes à mobilité réduite ou les non-voyants. Dans son ouvrage Phénoménologie des corps monstrueux, Pierre Ancet souligne cette distinction en reprenant un extrait du livre Regards sur le handicap[2], les auteurs se rendent dans une maison de polyhandicapé où ils rencontrent une personne qui va leur décrire la vision d’une personne fortement brûlé :
« La différence… la différence à première vue… ça me semble pas très heureux comme truc… d’être aussi handicapé… Enfin… à première vue… Y’a une personne qui est arrivée ici… quand elle est arrivée… au départ… j’ai pas… enfin à première vue comme ça… je pouvais pas voir si c’était un garçon ou une fille… Quand on voit ça pour la première fois… ça choque forcément… »[3]
Cette réaction est celle d’une personne ne pouvant trouver les mots quand à savoir si elle est en présence d’un homme ou d’une femme. Elle va parler de sa vision car le premier contact que l’on peut avoir avec la personne handicapé se fait par la vision, le sens qui va tenter de nous donner une description plus ou moins correcte de ce que l’on voit. On va vouloir comprendre et analyser la personne qui se trouve face à nous, qu’a-t-elle de différent ? D’où vient cette différence ? Cette interprétation est amenée car on voit en ce corps différent une partie de nous qu’on ne veut pas connaître à cause des normes que l’on nous a apprises.
La question du monstre n’est pas oubliée aujourd’hui mais on ne l’appelle plus comme tel. On ne dit plus monstre pour des siamois, on cherche un terme pour chaque personne qui possède une difformité. La science accorde encore un grand intérêt à ces personnes, il y a eu quelques opérations sur des siamois pour les séparer et que les deux personnes puissent vivre seule normalement. On tente aujourd’hui de soigner les difformités, on ne les cache plus du public même si on ne les expose plus.



2. La figure du monstre

On trouve beaucoup d’exemples correspondant à la définition la plus commune du monstrueux, principalement dans la mythologie gréco-romaine. Les plus connus sont ceux qui furent vaincus par les héros, tels l’hydre de Lerne, le dragon à plusieurs têtes de serpents vaincu par Hercule ; les gorgones, 3 femmes à chevelure de serpents, Méduse qui a été vaincue par Percée ; le Minotaure, tué par Thésée ; les harpies, femmes avec un corps d’aigle, responsables d’enlèvements ; etc.
Découlant de ce type de monstre, on a aussi tous ceux qui sortent de notre imagination et qui peuplent les films de série B et Z, tels que dans Le peuple de l’enfer de Virgil W.Vogel, ou l’étrange créature du lac noir de Jack Arnold, en 1954 ; avec des monstres plutôt pathétiques qui aujourd’hui nous font bien rire ; d’autres, aidés par les prouesses techniques d’aujourd’hui ont plus d’effets : alien ou encore la série des prédators.
De même, certains monstres sont nés de légendes et de superstitions, et ont nourri grand nombre de films d’horreurs et d’épouvantes, mais aussi la littérature. On parle bien sûr de Dracula et de tous les vampires que l’on peut retrouver aujourd’hui ainsi que les loups-garous, les morts-vivants et bien d’autres. On ne compte plus les productions mettant en scène le fameux Dracula, principalement incarné par Christopher Lee (le cauchemar de dracula ; dracula et les femmes ; dracula73 ; dracula père et fils…), ou le monstrueux loup garou (le loup garou de Londres, hurlements, la nuit du loup garou …). Ces mêmes monstres sont remis au goût du jour avec les succès de twilight, true blood, moon light, etc.

Il y a aussi les monstres qui naissent avec des difformités ou qui sont victimes de maladies, amputés. Ils sont vus comme des monstres parce qu’ils sortent des normes créées par la société ; ces mêmes monstres étaient exposés dans les foires, aujourd’hui ils sont considérés comme malades et désignés comme handicapés pour être politiquement correct. Certains films illustrent ce propos dont l’un des plus célèbre est Elephant Man.

On a aussi des monstres qui ont été créés par la main de l’homme, issus de manipulation, l’un des plus célèbre est le monstre de Frankenstein, on se trompe souvent en inversant les noms. Le monstre, par sa naïveté, fini par créer des accidents, qui lui mettent la population à dos. On retrouve ce même schéma avec Edward aux mains d’argent, de Tim Burton, le créateur meurt avant d’avoir pu achever sa créature. Il vit certes seul, mais sans ennui jusqu’à ce qu’il entre en contact avec les humains, qui essaient de l’influencer, que ce soit par le port de vêtements normaux ou encore de la vie en société. Sa pureté et sa naïveté se heurtent à l’incompréhension de cette société qui finira par vouloir sa mort ; il n’en réchappera qu’en retournant à son ancien mode de vie.

De nos jours on donne plus de considération au sens moral du terme, c’est à dire que des gens paraissent normaux, mais par leurs actes se révèlent monstrueux cela se voit avec les pédophiles, infanticides, tueurs en séries ou autre.
Certains films se sont inspirés de cette notion du monstrueux, comme Funny Games de M.Haneke, 1997 ; 2 garçons propres sur eux en apparence et justifiant leurs actes commettent des meurtres ; Elephant, basé sur des faits réels, où on a aussi deux adolescents apparemment normaux deviennent fous en suivant leur propres règles. Dans le film les damnés, de J. Losey, 1963, deux adultes ne vont pas survivre à leur rencontre avec des enfants pas si naïfs ; psychose d’Alfred Hitchcock est l’histoire d’un homme qui est atteint d’une forte névrose.
On peut, peut-être aussi, placer dans cette catégorie, les monstres des films comme l’invasion des profanateurs, ou the thing, parce que même si les monstres ne sont pas humains mais d’origine extraterrestre, ils prennent notre apparence, et ne se trahissent que par leurs actes.



3. Exemple dans l’art : Freaks (1932) de Tod Browning

Le terme freaks regroupe un ensemble de monstres visibles mais cela peut aussi être un personne qui provoque une forte réaction de la part du public qui l’observe. Cela peut regrouper le monstre mais aussi une très grande personne ou un obèse. Ce n’est plus seulement nominatif pour les monstres.
Freaks raconte l’histoire d’une belle trapéziste qui veut épouser le nain Hans pour son argent, et décrit également la vie quotidienne des « monstres humain » dans un cirque. Ces derniers, comme la femme à barbe, l’homme tronc, les sœurs siamoises, androgynes, difformes sont rejetés par la société qui ne légitime leur existence qu’au sein de cet espace clos qu’est le cirque où ils sont exhibés.
C’est ce que prouve la séquence de rencontre dans le jardin entre le propriétaire et les monstres (cf séquence), lorsque leur « mère » précise qu’ils viennent du cirque, ils sont acceptés car leur présence et leur existence sont justifiées.
La référence dans le film est double, car la présence de la foire, et le principe d’exhibition rappelle qu’à ses débuts, le cinéma se trouvait dans ce genre de lieu, on exhibe les monstres comme on montrait le cinéma, tous les deux sont relégués au rang d’attraction, tout comme les spectateurs sont relégués au rang de voyeurs.
Le film insiste sur l’humanité de ces monstres, qui forment une famille, et se défendent les uns les autres, comme le dit l’un des nains « si on touche à l’un d’entre nous, on touche à nous tous ».
Le film nous place donc du point de vu des monstres, faisant valoir pour de vrais monstres la trapéziste et son amant ; d’ailleurs si ce dernier est tué, elle, finira transformée et exhibée au même titre que les autres, voir pire. On pose alors la problématique suivante, les véritables monstres ne sont-ils pas ceux qui paraissent normaux mais se révèlent monstrueux au sens moral du terme ?
Lors de la séquence du mariage, on a une cohabitation soulignée entre les deux types d’ « artistes », mais les monstres sont vite remis à leur place par la trapéziste qui les traite de monstre parce qu’ils disent qu’elle fait maintenant partie des leur. Dès que cette cohabitation va plus loin, elle définit clairement les limites et leurs différences et les chasse de son mariage car elle ne veut pas être vue avec eux, ni qu’on l’associe à leur image.


Conclusion

Majoritairement, notre vision superstitieuse n’est plus influencée par la religion. Malgré cela, notre regard sur le monstre reste influencé par toutes les normes que la société nous impose. Pourtant dans d’autres pays comme en Inde, ces superstitions continuent de perdurer, les enfants naissant avec des difformités, avec plusieurs membres sont parfois vus comme des incarnations de l’un de leurs dieux.
La figure du monstre n’est plus celle qui possède une difformité. Le monstre actuel peut être la personne qui fait du mal, le pédophile mais aussi la personne qui tue sans aucune raison. On ne parle plus de monstre physique mais psychologique.


Bibliographie

La connaissance de la vie de Georges Canguilhem, Paris, 2003, éd. J. Vrin.
Monstres : une histoire générale de la tératologie des origines à nos jours d’Olivier Roux, Paris, 2008, CNRS édition.
Phénoménologie des corps monstrueux de Pierre Ancet, Paris, 2006, Presse universitaire de France.
Des monstres et des prodiges d’Ambroise Paré, Paris, 2003, L’œil d’or.
Histoire des monstres : depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours  d’Ernest Martin, Grenoble, 2002, J. Million.


[1] Ambroise Paré, Des monstres et des prodiges, Paris, l’œil d’or, 2003, pg 86.
[2] Ouvrage de C. Assouly-Piquet, F. Berthier-Vitoz, Paris, Desclée de Brouwer, 1994.
[3] Pierre Ancet, Phénoménologie des corps monstrueux, Paris, PUF, 2007, pg 30.

dimanche 10 avril 2011

Le maquillage au cinéma

             Problématique :

Le maquillage révèle-t-il ou fabrique -t-il l’identité?


INTRODUCTION


Jusqu’à l’apparition de l’industrie cosmétique, le maquillage a souvent été connoté péjorativement et associé à des activités répréhensibles, référant à tout ce qui s’inscrivait dans le faux, dans la tromperie. Ainsi, le maquillage et tout ce qui relève de l’artifice, amène obligatoirement à une réflexion sur le rapport entre illusion et vérité. De plus, il est un objet artistique et un langage traduisant le rapport au monde, aux autres et à soi-même. Nous nous poserons alors la question suivante : le maquillage révèle-t-il ou fabrique-t-il l'identité ?
Notre étude s'est établie sur différents thèmes et différentes périodes de l'histoire. Par maquillage, nous entendons tout ce qui concerne les artifices faciaux et corporels comme la peinture mais aussi par extension les masques et les costumes. Pour commencer, il faut d'abord effectuer un petit topo historique.
Puis nous présenterons les différentes fonctions et utilisations du maquillage et de l’artifice, que ce soit la divinisation, la dimension artistique, la fonction d’affirmation de la vérité intérieure ou encore le rapport entre l’individu maquillé et la société.


HISTORIQUE


Le maquillage apparaît dès la préhistoire dans les coutumes, dans les sociétés traditionnelles, il renvoie toujours à un univers magique, à un au-delà avec des divinités, des esprits, des démons et des forces liées à la nature. Il devient alors un acte culturel lié au sacré qui le plus souvent inscrit l'individu dans une représentation globale du monde propre à sa société. Dans certaines tribus du Sud-Est de l'Afrique les couleurs des peintures et des cheveux indiquent l'âge des hommes, Claude Levi-Strauss dit «  Il faut être peint pour être Homme ». Le maquillage a toujours eut une utilisation artistique, esthétique, mais également toujours lié à des rites et des croyances. Parlons des Égyptiens de l'Égypte antique, pour eux les couleurs des fards à paupières étaient importantes, elles étaient lié à un ou plusieurs Dieux et accompagnées les défunts dans l'au-delà, les cosmétiques devaient créer une apparence juvénile et fertile, essentielle pour renaître. Le vert était la couleur d'Osiris, dieu de la terre, de la végétation, de la renaissance, le bleu était en rapport à l'eau, au ciel et à l'air. En plus de ces utilisations en rapport avec les coutumes et croyances, le maquillage avait des vertus thérapeutiques, il protégeait les yeux des infections dues au sable lors des tempêtes. On utilisait également des perruques pour améliorer son apparence, une perruque volumineuse sculptée dans de la cire d'abeille exprimait par exemple un symbole sexuel très fort, qui reliait son porteur à Hathor, déesse des festivités et de l'amour. Par contre au Moyen-âge le maquillage est considéré comme diabolique car il sert à cacher les défauts du corps créé par Dieu, il menait à la luxure et à la débauche. A la Renaissance, on considérait qu'il fallait avoir le teint diaphane, les lèvres, les joues et les ongles rouges et les cheveux dorés. C'est à partir du 17ème siècle que l'usage du maquillage s'étend à toutes les classes sociales.



PARTIE 1 : LA FONCTION DE DIVINISATION DU MAQUILLAGE


A) Le maquillage dans les tribus primitives - Chapitre 20 « Une société indigène et son style », Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss

En 1935, l’ethnologue et philosophe Claude Lévi-Strauss a partagé l’existence des indiens Caduveo du Brésil pour découvrir leur mode de vie et leur culture. Pour les comprendre, il s’est également intéressé à leurs ancêtres les Mbaya. Comme leurs descendants, ils possédaient un rapport particulier au corps. Claude Lévi-Strauss souligne que les peintures corporelles et les tatouages qu’ils arboraient symbolisaient leur appartenance à une caste (noble, guerrier ou esclave). Par exemple, « les nobles faisaient étalage de leur rang par des peintures corporelles au pochoir ou des tatouages, qui étaient l’équivalent d’un blason. » (p.206) Le corps avait une place prépondérante dans les rites. L’ethnologue parle de celui de la naissance et explique que « quand les enfants parvenaient à naître, ils n’étaient pas élevés par leurs parents mais confiés à une autre famille où ceux-ci ne les visitaient qu’à de rares intervalles ; on les gardait, rituellement enduits de la tête aux pieds de peintures noires (…) jusqu’à leur quatorzième année où ils étaient initiés, lavés et rasé. » (p.208)
Le jésuite missionnaire Sanchez Labrador est le premier à décrire cette tribu au 18e. Néanmoins, son approche est totalement différente de celle de Levi-Strauss. En effet, il est choqué par ces peintures corporelles qui représentent le Diable. En plus d’être une perte de temps, elles ne font que tromper et éloigner ces hommes de Dieu et de la nature. Pour lui, elles opposent « aux grâces de la Nature une laideur artificieuse ». Claude Levis-Strauss, lui, y voit à travers son regard d’ethnologue un désir de s’élever au-delà de la simple condition humaine. Il écrit que « par leurs peintures faciales (…), les Mbaya exprimaient une horreur de la nature. L’art indigène proclame un souverain mépris pour l’argile dont nous sommes pétris ».
Aujourd’hui chez les Caduveo, les peintures corporelles continuent d’être une véritable pratique artistique. Pour l’ethnologue, « ces compositions savantes, asymétriques tout en restant équilibrées (…) sont menées jusqu’à la fin sans hésitation ni rature. Elles font appel à des motifs relativement simples tels que spirales, croix et volutes, mais ceux-ci sont combinés de telle sorte que chaque œuvre possède un caractère original ». Ce sont surtout les femmes qui se peignent le corps et le visage mais seulement par plaisir, dans une considération érotique.
Ainsi, les peintures corporelles et les tatouages ont des fonctions précises pour cette population. Ils symbolisent la hiérarchie des statuts et permet l’affirmation de l’être humain. En effet, pour les Mbaya comme pour leurs descendants « il fallait être peints pour être homme : celui qui restait à l’état de nature ne se distinguait pas de la brute. »
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’art corporel est également pratiqué dans une dimension rituelle, sociologique et artistique. Par exemple, les hommes utilisent des motifs, des couleurs et des bijoux codifiés pour signifier leur appartenance sociale. En signe de deuil, les Papous s’enveloppent le corps d’argile et de cendres pour revêtir les mêmes teintes que celles du défunt. L’enveloppe d’argile est aussi un rite d’initiation, c’est le passage du monde de l’enfance à celui des adultes. Cette transition interprète une mort symbolique. Enfin, les guerriers se recouvrent le visage d’un masque d’argile orné de dents et de cornes de sanglier pour ressembler à des êtres surnaturels et effrayer les ennemis.
Il est intéressant de noter les valeurs universelle et intemporelle du maquillage. En effet, à toutes les époques et dans toutes les cultures, l’artifice permet, par des moyens différents, un dépassement de la nature.

Comme nous venons de le voir, le maquillage est depuis la nuit des temps utilisé pour des croyances, des rites, des cérémonies, etc. Adaptons cet aspect à notre époque contemporaine au domaine de la bande-dessinée et du cinéma avec les super-héros. Les super-héros tels que Superman, Spiderman ou Batman ne portent pas leurs costumes uniquement pour être sexys dans leurs collants. C'est avant tout pour cacher leur identité au commun des mortels. Mais cela va plus que loin que ça, il y un phénomène de divinisation qui se crée, en effet des que l'on voit un homme déguisé en chauve-souris ou un homme volant arborant les couleurs du drapeau américain on pense tout de suite à Batman et Superman. Avec leurs costumes ces héros dépassent la nature, et les simples humains. Nous reparlerons des super-héros plus loin dans notre étude.


B) BAUDELAIRE : « Eloge du maquillage » dans Le Peintre de la vie moderne


Au 18e le beau est associé à la nature qui embellirait ce qui est. Pour Baudelaire, cela est une erreur due à la morale qui l’instaure comme le bien. Mais en réalité, elle est la source du mal : « Passez en revue, analysez tout ce qui est naturel, toutes les actions et les désirs du pur homme naturel, vous ne trouverez rien que d’affreux. »
Selon le poète, pour accéder au bien et au beau il faut dépasser cet état naturel grossier et trivial par l’artificiel. Car la fonction de l’art n’est pas d’imiter la nature mais de s’en détacher et de la déformer. Grâce à l’artifice, l’homme se substitue à la nature et célébre la vie comme surnaturelle et excessive. La mode par exemple « doit être considérée comme un symptôme du goût de l’idéal surnageant dans le cerveau humain au-dessus de tout ce que la vie naturelle y accumule de grossier, de terrestre et d’immonde, comme une déformation sublime de la nature, ou plutôt comme un essai permanent et successif de réformation de la nature ».
De même, le maquillage doit être revendiqué et assumé dans la même perspective. Il « n’a pas à se cacher, à éviter de se laisser deviner; il (doit), au contraire, s’étaler ». Pour Baudelaire, « la peinture du visage » est une véritable création artistique qui attribue à la femme une dimension divine. Le fard « a pour but et pour résultat de faire disparaître du teint toutes les taches que la nature y a outrageusement semée, et de créer une unité abstraite dans le grain et la couleur de la peau, laquelle unité, rapproche immédiatement l’être humain de la statue, c’est-à-dire d’un être divin et supérieur »
Ainsi, c’est tout ce qui relève de l’inutile et du débordement et non pas de la nature qui embellit ce qui est. Néanmoins, Baudelaire insiste sur le fait que le maquillage n’est destiné ni à une illusion de jeunesse ni à un embellissement de la laideur car il ne peut servir que la beauté.


C) Les Stars, Edgar Morin


Dans la partie « Dieux et déesses » de son ouvrage Les Stars, Edgar Morin traite du rapport de la star et du maquillage. Le livre publié en 1957 se base principalement sur la période de l’âge d’or des studios hollywoodiens. Pour Morin le mythe de la star s’inscrit dans un « processus de divinisation » qui s’illustre le mieux à travers la figure des « stars féminines « d’amour » ». Pour lui « l’actrice qui devient star bénéficie des puissances divinisatrices de l’amour ; mais elle apporte aussi un capital : un corps et un visage adorables ».
Morin note que la fonction du maquillage au cinéma est différente de sa fonction au théâtre. En effet, selon Morin, au théâtre le maquillage sert à montrer que l’acteur est habité par le personnage et lui donne « une personnalité sacrée ». Il marque alors une distance entre l’acteur et le personnage. Il a également une fonction expressive à l’instar des masques grecs. Au contraire, au cinéma, le maquillage sert la plupart du temps à embellir. Morin note que progressivement le maquillage au cinéma parait de plus en plus naturel afin de donner l’impression que la star n’est pas embellie par le maquillage mais qu’elle est naturellement si belle. Ainsi aucune trace de maquillage ne se laisse entrevoir sur le visage de la star masculine et la star féminine « ne parait maquillée que dans les festivités de la vie ». Mais le maquillage garde parfois sa fonction expressive : il peut notamment appuyer la pâleur d’un malade. Cependant le maquillage n’appuie plus l’expression des yeux et de la bouche car c’est désormais le gros plan qui s’en charge.
Le maquillage embellit le visage en lui restituant « jeunesse et fraîcheur » et en renforçant la beauté de la star qui doit être « inaltérable » dans « n’importe quelle situation ». Avec son exigence de beauté, le star system « a suscité ou renouvelé un art du maquillage, du costume, de l’allure, des manières, de la photographie et au besoin de la chirurgie, qui perfectionne, entretient ou même fabrique la beauté » qui font que l’industrie moderne des cosmétiques est associée au cinéma. On peut noter en effet que les stars féminines sont souvent rattachées à un type de maquillage qui leur est caractéristique dans leurs films. Ainsi Marlene Dietrich et Greta Garbo sont reconnues pour leur maquillage sophistiqué et Audrey Hepburn est réputée pour son trait parfait d’eye-liner.
Seulement la conséquence est que le maquillage participe à une dépersonnalisation du visage, pour Morin « l’expression de la beauté tend à annuler l’expression tout court ». Si les visages sont moins expressifs et dépersonnalisés ils sont « sur-personnalisés ». La beauté de la star correspond alors à un idéal d’harmonie et de perfection. Cette idéalisation de la « beauté artificielle » participe à la création du mythe la star en se mêlant et non en s’opposant à la « beauté naturelle de l’actrice » car la star est naturellement belle. Ainsi les deux formes de beauté « se conjuguent en une synthèse unique » : la beauté mythique et divine de la star.
Boulevard du crépuscule de Billy Wilder illustre le rapport de l’actrice à la beauté artificielle du cinéma à travers le personnage de la star déchue Norma Desmond semble incarner en permanence un personnage cinématographique. Lorsqu’elle se rend au studio afin de rencontrer Cecil B. DeMille elle se maquille avec soin alors qu’elle ne tourne aucune scène : la beauté naturelle de l’actrice doit être à la hauteur de la beauté des personnages qu’elle est susceptible d’incarner car les deux figures se marient chez la star. Norma décide alors de subir des soins esthétiques barbares afin de se rajeunir en vue d’un prochain tournage. Pour Morin, la chirurgie esthétique chez les stars est « comme un masque mais un masque qui se confond avec la peau, le visage ».


Nous avons donc vu que le maquillage peut avoir un rapport particulier avec la nature en associant celui qui est maquillé ou costumé à un dieu. Nous allons maintenant nous intéresser un autre aspect du maquillage qui est sa dimension artistique.



PARTIE 2 : LE MAQUILLAGE COMME ART


A) Alchimies du maquillage, Dominique Paquet


Selon Dominique Paquet, l’étymologie du mot maquillage (provenant du moyen « maken », « faire » en néerlandais) dénote qu’il est à l’origine une fabrication. Comme toutes les pratiques artistiques, cette production permet à l’homme de se situer dans le monde et d’exprimer les liens qu’il entretient avec le réel. De plus, le maquillage possède une particularité qui lui est propre et qui le différencie du masque: il est un objet artistique à la fois hors du sujet et en lui qui s’appréhende à deux niveaux. Tout d’abord celui de l’émergence, quand l’œuvre est peinte sur la peau puis celui de la sensation, quand le sujet ressent les transformations. Ainsi, le maquillage « émane de l’homme et y revient ». Il fait entrer dans la fiction celui qui le porte comme celui qui regarde.


B) Le dandysme et le glam rock


Dans son recueil d’essais Le Peintre de la vie moderne dont est tiré son Eloge du maquillage, Baudelaire expose sa vision du dandysme. Le dandysme est une doctrine apparue vers la fin du XVIIIème et le début du XIXème siècle. WWW dans son ouvrage Le Dandysme littéraire considère que le dandysme et notamment le dandysme anglais de la fin du XIXème siècle se caractérise par « un esthétisme excessif, un culte de la beauté et de l'art, conçus comme supérieur à la réalité » et par un rejet du matérialisme et de l'utilitarisme qui s'imposent de plus en plus à l'air de l'industrialisation.
Au début du XXème siècle, le dandysme mais on le retrouve dans le mouvement glam rock qui est un style musical des années 70 représenté par des artistes comme David Bowie dans sa période Ziggy Stardust ou encore le groupe T-Rex. Le dandysme est une référence pour les artistes glam-rock comme nous le verrons dans le film Velvet Goldmine de Todd Haynes.
Le film, sorti en 1998, retrace l'itinéraire de Brian Slade (aussi connu sous le pseudonyme de Maxwell Demon), star du glam rock ayant mis en scène sa mort sur scène au milieu des années 70 et dont on a perdu la trace. Dix ans plus tard, un jeune journaliste, adolescent à l'époque et ancien fan du chanteur, est chargé d'enquêter afin de découvrir ce qu'il est devenu. Les personnages du film sont fictifs mais la figure de Brian Slade fait référence à David Bowie, quant à Curt Wild, chanteur grunge ayant une aventure avec Brian Slade, il est notamment identifiable à Iggy Pop mais aussi à Mick Jagger. Dès le début du film, le lien de parenté avec le dandysme est mis en évidence : Oscar Wilde bébé est déposé sur le pas de la porte de sa famille par des extra-terrestres.
La broche épinglée à la couverture dans laquelle il est emmitouflé est trouvée cent ans plus tard par Jack Fairy. Elle est le symbole du dandysme et va passer tour à tour entre les mains des personnages du film comme l’amulette du raffinement et de la beauté. Pour Jack Fairy, la première manifestation de l’influence du dandysme est l’application de rouge à lèvre. Le maquillage a donc un rôle majeur dans l’affirmation de l’artifice du chanteur glam rock car même les hommes se maquillent alors que Baudelaire prônait le maquillage uniquement pour les femmes.
La référence à Oscar Wilde s’explique par le fait qu’il était figure importante du dandysme. Il s'est notamment illustré dans sa vie par ses tenues extravagantes et colorées. Le glam-rock se caractérise également par ses tenues voyantes à paillettes et anachroniques. Karin Becker note dans Le Dandysme littéraire que Lord Byron portait « des costumes gothiques ou des habits à la Rubens et Van Dyck, de grands chapeaux et des foulards sur les épaules d'une façon nonchalante ». Dans Du délire et du rien, Roger Kempf dit que « le dandy n'a pas de but spécial, mais réduit comme chacun à se vêtir, il en profite pour traduire par le costume la supériorité de son esprit». Ainsi dans Velvet Goldmine, les groupies imitent les tenues de Brian Slade, elles l’idolâtrent et s’identifient à lui. Todd Haynes s’intéresse alors à la force de l’identification et du fantasme au moment de l’adolescence. Au début du film, lorsque les jeunes filles se maquillent, il est écrit au rouge à lèvre sur le miroir : « last mirror before maxwell » c'est-à-dire « dernier miroir avant Maxwell ». La star du glam-rock est alors vue comme étant supérieure, différente et la référence à l'espace est récurrente dans le glam rock avec le personnage de Ziggy Stardust venu d'une autre planète et des chansons aux titres évocateurs comme « SpaceOoddity », « Life on Mars » de Bowie, « Cosmic Dancer » de T-Rex, « Satellite of Love » de Lou Reed. De la même manière les dandys apparaissent comme des êtres d'exception qui s'évertuent à se distinguer des autres humains.
L'artifice, le raffinement sont revendiqués par le dandysme. Dans Le Déclin du mensonge, Oscar Wilde dit que « le but premier dans la vie est d'être le plus artificiel possible » et cela se traduit dans la toilette mais aussi dans la musique. Todd Haynes dit dans le making of de son film que dans le glam rock « la musique et le contenu se ressemblaient : c’était très orné, mélodique et extrèmement travaillé », pour lui « la musique était habillée ». Pour Jonathan Rhys Mayer, l’interprète de Brian Slade « même la musique avait des paillettes », « on mettait du maquillage à la musique ». Au début de Velvet Goldmine, Brian Slade/Maxwell Demon se fait largement laquer ses cheveux bleus alors que son visage est déjà maquillé à l'excès, puis il se fait habiller d'un grand col en plumes superposé à sa tenue pailletée. Le moment de la préparation est central pour le dandy qui doit y passer beaucoup de temps car selon Roger Kempf « l'important est dans ce qui précède et dont seul pourrait témoigner le miroir (le héros a son miroir!) : l'acte de s'habiller ».

Autre caractéristique du dandysme et du glam rock liée à l’artifice est le spectaculaire. En effet à travers leur toilette et leur style ils se mettent eux-mêmes en scène. Pour Françoise Coblence dans Le Dandysme, obligation d’incertitude, le temps passé à la toilette, « the making », correspond à la « fabrication d’un personnage ». Dans Velvet Goldmine, les concerts de Brian Slade sont très théâtraux et il met même en scène sa propre mort en plein concert. Oscar Wilde écrit dans Le Portrait de Dorian Gray : « J’aime jouer. C’est tellement plus réel que la vie ». Quant à Lord Byron, Karin Becker dit de lui qu’il « cherche à s’observer et à se styliser au regard de son public, de sorte qu’il transforme sa vie entière en œuvre d’art. » Pour les dandies le rapport entre la vie et l’art est donc très étroit, le dandy est un artiste car il se crée lui-même. Cette confusion entre l’art et la vie se retrouve dans Velvet Goldmine notamment lorsque Mandy, l’ex-femme de Brian Slade dit que le début de leur mariage en « était la période la plus stimulante et la plus créative ». De plus, Oscar Wilde a dit : ‘J’ai mis tout mon génie dans ma vie ; je n’ai mis que mon talent dans mon œuvre ». Le dandy tend alors à faire disparaître la trivialité de la vie réelle et l’imaginaire joue alors un rôle essentiel. Dans Velvet Goldmine, Brian Slade s’est créé son monde imaginaire fait d’excès, d’orgies, de perruques, de paillettes ou encore de sur-médiatisation. Cette époque est montrée comme une époque bénie où la lumière artificielle et colorée embellit tout. Seulement le réel a fini par rattraper la vie des personnages et ceux interrogés au moment de l’enquête du journaliste sont montrés en pleine déchéance et seuls.

Le maquillage et le costume révèle alors la vision particulière de la vie de celui qui les portent mais il peut également révéler l’intériorité d’un individu.



PARTIE 3 : REVELER LA VERITE INTERIEURE


A) Le simulacre qui révèle l’intériorité


Le fard est une spectacularisation volontaire du visage car il est le fruit d’une véritable création qui se donne à voir. Pour Dominique Paquet, « chaque être est un visage et un théâtre pour lui-même ». Le second visage engendré par le maquillage n’est qu’un simulacre qui se veut authentique et dont la particularité est de simuler en dissimulant. Le « vrai visage » est doublé, souligné ou effacé par un autre devenu autonome et illusoire. L’identité est brouillée par une infinité de voiles qui se confondent avec le visage authentique.
La notion de simulacre est essentielle dans les films baroques où elle s’exprime à travers divers éléments. Il est important de bien comprendre ce que représente l’illusion baroque. Pour ce mouvement qui s’oppose à la théorie platonicienne, la nature n’existe pas et toutes les choses sont artificielles. Pour Emmanuel Plasseraud dans Cinéma et imaginaire baroque, « Si l’on veut rendre justice à l’artifice, il faut se passer de l’idée de nature, ne plus penser que les choses existent selon des principes établis ». Il ajoute que « l’illusion met à jour le côté artificiel de toute vérité ». En effet, l’existence et les individus sont vides. Cela peut être rattaché aux propos du philosophe Levinas pour qui, le maquillage ne révèlerait rien d’autre qu’un vide. Le fard dissimule « la pauvreté essentielle du visage ».
Le miroir est beaucoup utilisé dans le cinéma baroque. Il est le créateur d’un reflet trompeur et révèle la plupart du temps que les individus qui s’y regardent n’ont pas plus de profondeur que leur reflet. C’est le cas dans une séquence d’Amélia Lopez O’Neil de Sarmiento, où un homme est face à son reflet en train de se désolidariser.
La notion de simulacre se retrouve également au niveau des acteurs où ce n’est ni la psychologie ni l’intériorité qui comptent mais le rôle. « (Ils) doivent laisser leur psychologie de côté, pour que seule l’apparence demeure ». Les personnages sont caricaturaux et construits autour de traits déterminés. C’est pourquoi le maquillage est beaucoup utilisé de manière outrancière.


C’est le cas dans Inauguration of the pleasure dome de Kenneth Anger.

Les deux influences du cinéaste sont le magicien anglais Aleister Crowley et Méliès (fonds noirs, décors peints, surimpressions, fondus enchaînés, etc). Le film est sans paroles, accompagné d’un opéra et met en scène des cérémonies de magie noire où les acteurs incarnent des personnages mythologiques. « Tout se déroule dans un monde clos, artificiel, codé, ce qui est le propre des cérémonies ».
Pour Oliver Assayas (Kenneth Anger - Cahiers du Cinéma) l’artifice assumé par les acteurs (costumes, maquillages, coiffures…) permet de révéler leur vérité. « Les individus costumés en divinité apparaissent en tant que tels dans le film, c’est-à-dire cette personne là avec sa personnalité telle qu’elle s’exprime par son visage, tout en étant consciemment et ouvertement déguisée en un symbole par l’intermédiaire duquel elle exprimera tel aspect caché mais profondément véridique d’elle-même ».


Mort à Venise (Visconti, 1971)

Dans Des visages : essai d’anthropologie, David Le Breton explique que le maquillage est indissociable de la peur de la mort : « Le maquillage est un plaisir des sens mais il s’y mêle une gravité, une angoisse omniprésente. » Il ajoute qu’«il s’inscrit dans une résistance farouche contre tout signe de vieillissement, de maladie ou de mort. » Ainsi, le fard est lié au désir d’immortalité, c’est-à-dire un Je idéal qui ne sera jamais atteint. La séquence de maquillage d’Aschenbach mise en perspective avec la fin du film en est l’illustration.
Au début, le compositeur refuse de se regarder dans le miroir car il a peur de son reflet vieillissant. Il est angoissé face au temps qui passe et ne souhaite qu’une chose : rester jeune. C’est pourquoi lorsque le coiffeur lui dit « Vous avez le droit et même le devoir de retrouver votre teinte naturelle (…) que je vais vous rendre en un tour de main », Aschenbach veut vraiment y croire et on lit sur son visage le doute mêlé à l’espoir quand il lui demande « Vous êtes sûr? ». On voit comment Visconti insiste par le zoom sur le récipient contenant la teinture, la poudre blanche appliquée sur le visage puis sur les lèvres et enfin les enfin les yeux en train d’être maquillés pour signifier la transformation qui s’opère grâce aux artifices. À la fin de la séquence, le compositeur prend plaisir à se regarder dans le miroir et esquisse même un petit sourire face à son reflet qui a retrouvé toute sa jeunesse.
La séquence finale montre en quoi ce désir n’est qu’une illusion. En effet, Aschenbach agonise seul sur une chaise, sa sueur faisant couler la teinture le long de son visage et fondre la crème blanche. Son masque tombe et il prend conscience que sa vie et sa jeunesse sont derrière lui désormais, qu’il n’est plus aussi vigoureux que les deux jeunes hommes qui se battent sur la plage. Dans un dernier élan vers le jeune homme qui s’éloigne, il s’accroche avec désespoir à son rêve perdu mais en vain. Il est impossible de figer le temps et son apparence. Seuls le cinéma et la photographie ont le pouvoir d‘immortalité.


B) Le masque


The mask (Chuck Russel, 1994)

Dans le film de John Carpenter, Halloween (1978), le tueur Michael Myers porte un masque, il ne lui permet pas de ne pas être reconnus car tout le monde connait l'identité du tueur au masque blanc. Son masque lui donne une protection fasse au monde, lui permet d'extérioriser le mal qui est en lui. La fonction première ici est donc de faire sortir la réelle personnalité par le biais d'un masque, de plus sans lui le tueur n'est plus capable d'être « lui-même ». « Jamie Lee Curtis lui retire son masque et il perd pendant un moment la face, hagard, comme privé un instant de son arme et de son identité monstrueuse. ».

Il y a un autre personnage au cinéma qui porte un masque lui permettant d'exprimer ses désirs les plus enfouis, sa part caché, c’est celui de Stanley, interprété par Jim Carrey dans The Mask de Chuck Russell. Après avoir trouvé un masque ancien, Stanley rentre chez lui et allume la télé. Un psychologue est interviewé à propos de son livre Les masques que nous portons, dans lequel il écrit que nous portons tous un masque qui réprime nos pulsions. Or, celui de Stanley a l’effet inverse puisqu’il va révéler son intériorité, sa vérité cachée, à savoir son excentricité, l’être qui sommeil en lui.
Le héros est fan des cartoons, quand il est porte le masque il reproduit les attitudes du cartoon. Tandis que le méchant du film incarné par Peter Greene devient encore plus mauvais en portant le masque, il n'y a plus aucune barrière entre lui et le monde. Emmanuel Plasseraud cite dans son livre Cinéma et Imaginaire baroque : « L'homme masqué peut voir sans être vu, peut reconnaître sans être reconnu. Les héros masqués, maléfiques et bénéfiques, Fantomas, Zorro, Batman et autres, ne tirent leurs pouvoir, semble t-il que de ce masque qu'ils arborent et qui les protèges. »
Cette citation nous permet de parler de nouveau des super-héros, il est vrai qu'il est rare de voir un super-héros utiliser ses pouvoirs sans porter son costume. Le costume apporte t-il réellement leur pouvoir aux héros ? Ce n'est qu'un objet, mais pourtant en le portant ils peuvent utiliser leur pouvoir, d'une part pour protéger leur véritable identité mais également être le héros que le peuple attend. Dans le film Superman de Richard Donner (1978), le personnage de superman ne peut s'envoler qu'une fois qu'il porte son costume et jamais nous ne verrons le héros volet sans ce dernier. Et Bruce Wayne impressionne moins que Batman, dans le film Batman Begins, le personnage incarné par Chrisitan Bale confie qu'il est terrifié depuis son enfance par les chauves-souris, il désire donc incarner sa propre peur pour combattre le crime. Tout comme le fait Batman, le maquillage peut être utilisé comme camouflage. Dans le film Predator de John McTiernan, l’extraterrestre utilise un camouflage optique pour se fondre dans la forêt. Le héros du film arrivera à combattre la créature qu'une fois qu'il sera recouvert de boue et devenant ainsi invisible à ses yeux, elle ne voit que par vision thermique.



C) L’artifice qui entraine une perte d’identité


Ed Wood (Burton, 1994)


En 1994, Burton réalise la biographie romancée du réalisateur Ed Wood Junior. Ce metteur en scène qui aimait se travestir était considéré de son vivant comme le plus mauvais réalisateur de tous les temps. Dans ce film, Burton y montre l’amitié qu’entretenait Ed Wood avec Bela Lugosi, le célèbre Dracula (interprété par Martin Landau, récompensé par l‘Oscar du meilleur second rôle et dont le maquillage a également été récompensé)

La séquence de leur rencontre est intéressante car elle montre en quoi le personnage de Dracula colle tellement à la peau de Bela Lugosi qu’ils finissent par être indissociables. En d’autres termes, « le personnage a pris le pas sur la personne, le visage s’est figé en un masque, l’être s’est fondu dans l’apparence » (Cinéma et imaginaire baroque)
Ed Wood rencontre Bela Lugosi, maquillé et coiffé comme un vampire, en train de choisir un cercueil confortable pour dormir lors de la prochaine tournée d’exhibition du « Retour de Dracula ». Après s’être présenté et lui avoir confié qu’il est un de ses plus grand fan, Ed Wood affirme qu’il le « trouve encore plus effrayant dans la vie que dans ses films ». Lugosi lui répond que « pour interpréter Dracula, (il se met) dans un état de transe et ça (lui) prend du temps pour émerger ».
Une deuxième séquence illustre le fait que l’acteur est resté figé dans son rôle. Ed Wood et lui son assis sur un canapé chez lui devant la télé où une présentatrice sensuelle présente une émission à succès sur les films de vampire. Lugosi tente alors de l’hypnotiser par ses pouvoirs mais n’y parvient pas. Paradoxalement, il est conscient qu’ « on ne peut pas être et avoir été ». Il sait qu’il a fait son temps ; d’ailleurs un des enfants venus pour Halloween ne se prive pas de lui faire remarquer en lui disant ce qu‘il redoute le plus : « je sais que t’es pas un vampire, ces dents elles me font pas peur ». Mais il s’accroche désespérément à son rôle passé, quitte à sombrer dans la drogue.



B) Deux exemples d’acteurs qui ont perdu leur identité


Le maquillage peut ne pas révéler une personnalité mais peut en créer une, l’acteur Heath Ledger interprétant le rôle du Joker dans The dark Knight, vivait dans sa chambre d’hôtel entre les scènes de tournage et continuait de jouer son rôle. Il s’est totalement imprégné du personnage au point qu’il partageait presque deux vies pendant tout le temps du tournage. Il y a également d’étranges rumeurs concernant l’acteur Max Shreck qui interprété le vampire dérangeant dans Nosferatu de Murnau, l’équipe du tournage finissait par croire qu’il était réellement devenu un vampire, il gardait beaucoup son maquillage également et se comportait étrangement sur le tournage.



PARTIE 4 : MAQUILLAGE ET SOCIETE


A) Les Geisha


Au Japon, les Geisha et apprenties Geisha, appelé Maiko, se distinguent les unes des autres par leur maquillage. En effet en fonction de leur apprentissage et de leur expérience les Geisha changent de maquillage, par exemple en colorant leurs lèvres ou non. On peut ainsi distinguer les apprentis des Geisha et le maquillage correspond à un code.


B) L’artifice et le rapport aux autres


Aujourd’hui dans nos sociétés occidentales où le look et l’apparence tiennent une place importante, le maquillage est un moteur d’intégration sociale. Sous la pression des images de magasines de modes, de publicité ou télévisuelles et cinématographiques, être maquillé est devenu une norme. Selon Dominique Paquet se maquiller c’est « se peindre des signes et des formes référés aux canons de la beauté (et) à des codes normatifs ». Ainsi, le fard est un langage qui permet à l’individu d’affirmer sa place au sein de la société et de communiquer avec l’Autre.
Zélig, le film de Woody Allen prouve que l’artifice ne sert qu’à se fondre dans la masse et être comme tous le monde. Selon E.Plasseraud, le film de Woody Allen est « une parabole sur l’influence du milieu extérieur sur l’intériorité ».
Ce faux documentaire (utilisant images d’archives, fausses interviews et photos truquées) met en scène, dans les années 1920, un homme caméléon qui change physiquement et psychologiquement selon le milieu dans lequel il se trouve. Par exemple, on le voit Chinois à Chinatown, obèse parmi les obèses ou musicien de jazz dans une boîte de nuit. Son cas intéresse toute l’Amérique et plus particulièrement la psychiatre Eudora Nesbitt Fletcher qui tombe amoureuse de lui. Elle émet l’hypothèse suivante : c’est parce qu’il veut être aimé que Zélig cherche à ressembler aux autres. Elle parvient à le guérir grâce à des séances d’hypnose. Zélig devient alors lui-même avec ses goûts et ses opinions et se marie avec Eudora.

Dans Alchimies du maquillage, Dominique Paquet écrit que le visage est le miroir de la société. Il est « un symbole où se reflètent les possibilités, les contradictions et les fantasmes de la société ». Dans ce film, c’est le corps de Zélig qui est mis en jeu et qui se confond avec tout ce qui l’entoure. Cet homme n’est qu’apparences, il n’a pas d’identité. Il devient une vedette médiatique, on fait des disques et des objets à son effigie. Ainsi, la société américaine projette sur lui ses désirs, ses peurs et ses besoins.
Pour devenir lui-même, Zélig n’avait pas besoin de l’approbation de l’opinion publique mais de l’amour d’une femme. Se faire aimer d’une personne est plus difficile que de se faire aimer de tout le monde car cela engage l’intériorité et non la surface.


C) La séduction


Au sein de la société, la séduction a un rôle primordial. Nous pouvons en distinguer deux types : celui qu’on pratique pour soi-même et celui pour les autres.
L’autoséduction s’opère devant le miroir. Selon Dominique Paquet, il est le lieu de confrontation entre un Je idéal et un devenir aliénant. En effet, le maquillage face au miroir a pour finalité l’embellissement. Le but est de se plaire et d’aimer son reflet. Mais dans le même temps, le visage étant nié par le fard, le Je est détruit pour laisser la place à un autre, un double. Nous pouvons ajouter que le miroir « permet le petit spectacle du Je idéal » toujours selon les mots de Dominique Paquet. Il est donc le lieu d’expression du narcissisme.
Même si l’autoséduction mérite qu’on s’y attarde nous allons nous attacher davantage à la séduction de l’Autre en nous basant sur l’ouvrage de Guy Scarpetta intitulé L’Artifice.
Selon le philosophe, notre époque se caractérise par la résurrection du style Baroque, ce qu’il appelle le « Baroque contemporain ». La thèse de l’ouvrage qui se base sur l’Eloge du maquillage de Baudelaire est que l’artifice peut mener à la vérité mais que cela nécessite « une fièvre, un trouble et une jouissance, un véritable érotisme esthétique ».
Baudelaire procède à deux négations. La première est celle portant sur l’opposition corps (vérité) et ornements (apparence). La deuxième portant sur la primauté de l’intériorité sur la surface. Ainsi, pour le poète, la vérité de la femme s’exprime par sa parure et son maquillage. Ce dernier doit s’afficher dans sa gratuité sans hésiter à s’exhiber comme artifice. Pour Scarpetta, le texte est « une célébration de la séduction » car Baudelaire aborde le fard comme une invitation au plaisir. Dès lors, il est intéressant d’analyser l’actualisation que fait le philosophe de ce texte.
Dans notre société, le maquillage est condamné au profit d’une beauté naturelle et la séduction féminine est associée à l’idée de la femme-objet. Néanmoins, cela tend à disparaître, la séduction redevient un droit et un plaisir car la nature est vue comme un fantasme de la société et le maquillage est déculpabilisé. C’est pourquoi la femme aujourd’hui assume l’artifice comme faisant partie d’elle-même, ceci lui permettant de s’opposer au destin que lui assigne la nature féminine. Selon Scarpetta, « plus une femme s’éloigne du naturel, plus elle est désirable ». C’est pourquoi le maquillage de la bouche et des ongles, qui ont chacun des fonctions érotiques, est remis au goût du jour. Même si le maquillage excessif comme la blancheur du teint ou le rouge violent des pommettes a disparu, une renaissance du maquillage comme ouvertement anti-naturel commence à émerger. Néanmoins, l’artifice aujourd’hui, même s’il reste un jeu, relève davantage de l’art du dosage, du mixage et de la composition, qu’au 18e.

D) Ed Wood et la séduction


Nous avons précédemment abordé ce film du point de vue de la perte d’identité qu’opérait un personnage sur l’acteur. Une autre dimension y est primordiale : celle du travestissement du réalisateur amenant une réflexion sur la séduction.
En effet, Ed Wood assume totalement son envie de se travestir. Lorsque sa petite amie Dolores lui demande depuis combien de temps il aime faire cela, il lui répond : « depuis que je suis tout petit. Maman voulait une fille alors c’est elle qui a commencé à m’habiller comme ça. Et puis après j’ai pris le pli ». De plus, il n’hésite pas à le dire à un producteur en ajoutant que pendant la guerre il a sauté en parachute alors qu’il portait des sous-vêtements féminins.
Le metteur en scène ne se travestit pas pour séduire les hommes. Au contraire, il le fait car il adore les femmes. Son travestissement ne nuit en rien à sa force de séduction.


E) Les Liaisons dangereuses, Stephen Frears (1988)


Les personnages de la marquise de Merteuil et du Vicomte de Valmont sont des libertins multipliant les conquêtes amoureuses. Pour eux l’apparence est primordiale car ils sont constamment dans un rapport de séduction. Au début de l’adaptation de Stephen Frears, on assiste à la longue préparation des deux personnages qui se font habiller et coiffer. Leur vie sociale ne commence que lorsqu’ils sont parfaitement apprêtés. De plus, tout au long du film ils jouent un rôle et se cachent derrière les apparences. Leur toilette participe à l’élaboration de leurs mensonges et de leurs machinations. Madame de Merteuil réussit à garder une image vertueuse dans la société alors qu’elle mène une vie sulfureuse. Son maquillage et sa toilette témoignent de sa dissimulation et de son attitude hypocrite. A la fin du film, elle est démasquée après que les lettres dans lesquelles est expliquée la machination des deux personnages aient été rendues publiques, elle se fait huer. Le maquillage ne peut plus dissimuler son hypocrisie dévoilée au grand jour. La dernière scène du film nous montre alors la marquise de Merteuil devant son miroir en train d’enlever tout le fard sur son visage. Elle se retrouve seule, face à elle-même, le maquillage est devenu inutile car il n’a d’intérêt que dans un rapport d’apparences et de séduction avec la société.



CONCLUSION


Pour conclure, le maquillage et par extension le costume, le masque qui sont des formes d’artifice peuvent avoir des significations et des fonctions bien différentes. Ils peuvent marquer un éloignement avec la nature à travers une dimension divinisatrice, d’affirmation d’une beauté supérieure ou encore artistique. L’artifice est alors revendiqué et connoté positivement. De ce point de vue la personnalité nécessite d’être fabriquée.


D’un autre côté le maquillage et le masque peuvent permettre à l’individu d’extérioriser, d’exprimer par l’apparence sa personnalité, son individualité. L’apparence, qu’elle soit artificielle ou non, est perçue comme le reflet de l’identité. Elle peut également participer à installer un rapport de séduction avec les autres. Cependant ils peuvent également participer à une aliénation de l’individu qui perd son identité.

Le genre comme parodie au cinéma



Introduction

La guerre et l’Occupation ont fortement influencé la représentation des sexes, à la vie comme à l’écran. Depuis 50 ans, la recherche historique et l’histoire des représentations se sont profondément développées en France.
Depuis les années 1970, l’apparition du genre s’est entre autres faites, grâce à un domaine d’étude particulier, les gender studies, (sous domaine des cultural studies = champ disciplinaire qui tente d’appréhender les productions symboliques d’une société donnée en dehors des grilles d’évaluations imposées par la culture dominante) alliant débat et controverses à propos de la question du gender (la différence sociale faite entre les sexes biologiques).
A travers ce champ de recherche, approfondit par différents chercheurs, et d’exemples cinématographiques entre autres, nous relierons ce domaine au cinéma et nous intéresserons à la question du comment le genre est-il devenu une parodie?




Chapitre I

Sexualité - instrument de pouvoir.

Depuis le XIXe siècle, la sexualité était soigneusement renfermée (= la sexualité est un sujet/action/pratique tabou. La seule forme “légitime” de sexe et de la sexualité est celle qui est pratiquée dans le couple conjugal. La “sexualité est renfermée dans la chambre des parents”), et réduite au couple conjugale. Seule la sexualité conjugale était considérée comme légitime. Toutes les autres manifestations sont vues comme des perversités, ou des anomalies. Michel Foucault va déconstruire cette conception de la sexualité comme une expression de son identité. Pour lui, le sexe est un effet du discours sur le sexe, d’un dispositif disciplinaire. Comme il le souligne dans son ouvrage La Volonté de savoir, le dispositif de la sexualité est une sorte d’instrument de pouvoir pour réglementer les relations entre les hommes et les femmes.

Biopouvoir.

Pour rendre cette idée plus claire, il faut parler de la notion de biopouvoir. C’est un type de pouvoir qui s’exerce sur la vie (la vie des corps et celle de la population). Ce type de pouvoir est fortement liée à l’économie par le relais du corps - corps qui produit et qui consomme. Le biopouvoir contrôle chaque sujet individuellement et le transforme en corps soumis et productif (pour le bien et la (re)productivité du corps social).
L’individu doit s’identifier selon les règles imposées (il doit s’inscrire dans les normes. Je crois qu’on a abordé cette idée en ue6 ciné et société, quand on a parlé de Rosetta. Tu te souviens? Le système démande d’invidu qu’il s’inscrit dans ces normes, par exemple - qu’il trouve travail (qui va déterminer sa classe sociale..), qu’il crée sa famille (pour la réproduction),etc.. ). Au sujet de la sexualité, la norme principale est le couple conjugal hétérosexuel. Ceux étant en dehors de cette norme étaient considérés comme des pervers, cette innombrable famille de pervers s’avoisine aux délinquants et s’apparentent aux fous.
De part cette apparentée, ces individus étaient même punis par la société à travers un système d’exclusion. Dans les siècles précédents, les exclus étaient emprisonnés, apparentés aux fous, etc... De ces deux modes d'exclusion découlaient une confiscation de la parole et d’opinion. Dans une société qui crée ces règles, la sexualité est vue comme une expression de soi ou de l’identité.
En outre, le pouvoir, sous forme de menace et de chatîment, met en place une certaine forme de suppression - l’individu qui n’obéit pas aux normes imposées risque d’être supprimé - exclu ou disqualifié de la société.

Gender studies.

Être dans les normes signifie se comporter selon les codes établies, ils sont la matière constructrice du genre. De là, le pouvoir répressif efface les frontières entre le sexe et le genre. De plus, il part de l’idée que le genre est une représentation du sexe, et pour éviter tout désaccord possible sur ce thème, le genre est abordé comme quelque chose de naturel (et naturel est souvent vu comme synonyme d’une vérité absolue). Mais il ne l’est pas, il naît juste des répétitions des codes fondateurs.

Les gender studies (ou parfois gender, cultural & queer studies) est un vaste domaine de débat sur la question du gender (c'est-à-dire du genre sexuel, différence sociale faite entre les sexes biologiques) qui s'est développé depuis les années 1970. Ce domaine d'étude veut montrer comment les inégalités dont sont victimes les femmes s'appuient d'une part sur une idéologie légitimant, de fait, l'oppression des femmes et d'autre part sur un ensemble de mécanismes sociaux qui tendent à présenter comme naturelle une division inégalitaire des rôles sociaux entre les hommes et les femmes. Judith Butler, la représentante la plus connue de ce domaine explique la nature du genre: Selon elle, le genre n’est pas l’expression du sexe, alors que l’identité de genre est le résultat d’un effet de répétition régulé des codes de performance de genre.

Le sujet est culturellement construit, et si l’on comprend l’identité comme une pratique (signifiante), on en vient à concevoir les sujets culturellement intelligibles comme les effets d’un discours comportant des règles et qui s'insère dans les actes signifiants, courants et ordinaires de la vie linguistique. Lorsqu’on dit qu’un sujet est constitué, cela veut dire qu’il est une conséquence des discours suivant des règles et gouvernant l’invocation intelligible de l’identité. Le sujet n’est pas déterminé par les règles qui le créent, parce que la signification n’est pas un acte fondateur, mais un processus régulé de répétition.

Si les règles gouvernant la signification ne sont pas purement restrictives, mais qu’elles permettent aussi d’affirmer d’autres domaines d’intelligibilité culturelle, c’est-à-dire d’ouvrir de nouvelles possibilités en matière de genre qui contestent les codes rigides des binarités hiérarchiques, alors ce n’est que dans les pratiques répétées de la signification qu’il devient possible de subvertir l’identité. En s’appuyant sur le caractère performatif, De Laurentis a re-défini “la construction du genre comme étant à la fois le produit et le processus de la représentation et de l’autoreprésentation”.

Les exemples les plus explicites de genre comme une performance ou une construction culturelle, produite par la société de domination masculine, sont sans doute le mouvement queer et les pratiques de travestissement. Peut-on continuer à parler de « femmes travesties» sans questionner la construction à la fois hétérocentrée et masculine du travestisme, « perversion-inversion » essentiellement vestimentaire et qui n’a de sens que dans un régime hétéro-sexuel binaire établissant une continuité réglée entre sexe et genre, entre le sexe biologique, le masculin et le féminin ? En proposant un aperçu des différents modèles interprétatifs du travestisme : le modèle médical (les sexologues de la fin du XIXe et du XXe), le modèle féministe émancipationniste (Beauvoir), le modèle queer de la performativité (Butler), l’article retrace la généalogie des exclusions, des frontières et des délimitations oublieuses qu’entraîne une fidélité aux définitions disciplinaires ou idéologiques du « travestisme » des femmes. Parler de « pratiques transgenres » permettrait d’embrasser un plus grand nombre d’expressions de genres et de réévaluer la pseudo exceptionnalité du « travestisme ».

Selon Judith Butler la pratique ‘drag’ peut être vue comme un moyen de se moquer de la notion qu’il existe un genre “original”. Donc les pratiques de drag et de travestissement peuvent êtres considérées comme parodie de la notion du genre. Nous allons aborder cette idée plus profondément dans le chapitre suivant.

Chapitre II: Le genre comme parodie.

Le mouvement Queer

Le mot queer est, à la base un mot anglais signifiant «étrange», ou encore «déviation de normes conventionnelles». Ce mot est souvent utilisé comme une insulte envers les gays, les lesbiennes, les transsexuels… Par ironie et provocation, il fut récupéré et revendiqué par des militants et intellectuels gays, transsexuels, travestis et transgenres à partir des années 1980, dés l'émergence des gender studies.

Nous allons nous appuyer sur l’analyse de ces “sous-catégories” comme les travestis (par exemple les drag-queen), et les trangenres (butch-femme). Car selon Judith Butler, ces catégories déstabilisent exactement l’idée normée du genre, en le parodiant. Néanmoins, ces pratiques sont généralement associés à l’homosexualité, elles peuvent être pratiquées indépendamment de l’orientation et de l’identité sexuelle. La pensée queer peut apparaître artificielle par son obsession de la performance et de mise en scène des corps et des actes. A ce niveau, les travestis et les transgenres sont les exemples les plus explicites et les plus visibles.

Le travestissement

Le terme de “travesti” a l’inconvénient de mettre l’accent sur le “fétichisme du vêtement”, ce qui tend à assimiler la performance du genre à un tour de passe-passe vestimentaire. En effet, le travesti et la pratique du travestissement ne sont souvent réduits qu’aux pratiques du déguisement - en fait, le travestissement fonctionne comme une sorte de démonstration de la construction du genre.

Comme le souligne Marie-Hélène Bourcier, le travesti ne se limite pas à une pâle ou une extravagante imitation de la vraie femme ou d’une vraie féminité, la drag queen révèle le monde de la production du genre qui est aussi celui de la féminité hétérosexuelle.
Tout genre, y compris la masculinité hétérosexuelle, est une performance de genre, c’est-à-dire une parodie sans original. Tout comme la performance ‘butch’ n’est pas l’imitation des genres masculin/féminin, elle est une performance du genre au même titre que les genres masculins et féminins hétéronormés.

Si l’on part de l’idée que le genre en sa nature est performatif, les codes de comportements classifiées féminins effectués,répétés par les drag queen, les aménent à une construction d’identité féminine. (la femme ‘butch’ a une démarche nonchalante et plutôt masculine et droite, le gai a des attitudes et des mimiques dîtes efféminées... )

Du genre à la parodie

Comme nous l’avons vu dans les paragraphes précédents, le genre est le résultat de la répétition, de l’imitation, régulé des codes de la performance de genre. Pour atteindre le résultat - telle ou telle identité sexuelle/tel ou tel genre; les individus concernés choisissent d’imiter les codes les plus caractéristiques, les plus hyperboliques (les cheveux très courts des ‘butchs’, la main en l’air des gays, autres stéréotypes...) - de ce point de vue là, le genre devient une sorte de parodie. (Par définition, la parodie est dîtes d’une ‘chose imitant la forme d'une autre, mais en la vidant de tout contenu ou signification’ - ‘toute forme d'imitation comique, de travestissement burlesque...’ , plus généralement, un pastiche ou une caricature.)
Paradoxalement, la définition du mot travestissement propose la parodie comme un de ses synonymes. Le drag queen, et les performances de genre ne sont pas que la monstration hyperbolique du caractère construit de la féminité - et on pourrait en dire autant de la masculinité.

En définissant l’identité sexuelle et le genre comme performatifs, c’est-à-dire comme résultat d’un effet de répétition des codes de performances de genre, Butler dit clairement que l’hétérosexualité, comme tout genre, est une parodie, c’est-à-dire une imitation sans original du genre masculin ou féminin (pas naturel). Tout genre, y compris la masculinité hétérosexuelle, est une performance de genre, c’est-à-dire une parodie sans original. Pour approfondir cette démarche, Judith Butler cite la parodie comme le travestissement, comme une manière de déstabiliser et de mettre en lumière les présupposés à propos de l’identité de genre. Elle pense qu’une politique positive et transformative ne peut émerger qu’en redéployant les jeux de l’identité et en montrant que toute tentative pour “devenir” le genre de quelqu’un est voué à l’échec.

La question de l’identité:

L’identité féminine hétérosexuelle est construite à partir des mêmes codes. L’identité est comme un instrument politique stratégique, susceptible de servir à déconstruire les identités masculine et féminine, homosexuelle et hétérosexuelle qui cachent des formes de violence et d’oppression. Dans ce cas, l’identité est perçue comme un effet. Paradoxalement, le fait de reconsidérer l’identité comme un effet, c’est à dire comme étant produit ou crée, ouvre des possibilités en ce qui concerne la ‘capacité d’agir’ qui étaient insidieusement forcloses par des positions tenant les catégories de l’identité pour fondatrices et fixes. Dire qu’une identité est un effet veut dire qu’elle n’est ni fatalement déterminée ni complètement artificielle et arbitraire.

Exemples:

Mademoiselle de Maupin
Les gender studies abordant le thème de genre comme parodie se sont développées dans les années 1980, et certains exemples peuvent même dater du XIXe siècle, tel que le roman Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier, publié en 1835. Ce roman raconte la vie de Madeleine de Maupin qui, avant de succomber aux avances des hommes, désire se travestir afin de connaître leurs secrets. Elle parcourt donc le monde, sous le nom de Théodore. Elle ne se limite pas au déguisement d’homme, elle révèle un vrai caractère bisexuel. Maupin, déguisée en homme, ne fait pas seulement croire à son identité masculine, elle arrive (et le pratique souvent) à séduire les femmes, qui n’éprouvent pas le moindre doute sur sa masculinité.

Maupin se travestit largement au niveau vestimentaire: lorsqu’elle est déguisée en homme, elle s’équipe d’une pure panoplie masculine: épée, pistolet, cravache, ce qu’une logique féministe d’aujourd’hui ne manquerait pas de faire remarquer en disant que ce déguisement fait de Maupin l’agent d’un renforcement du modèle masculin traditionnel. Ainsi, nous pouvons souligner que le déguisement de Maupin ne consiste pas uniquement à se déguiser en homme - en effet, elle est/fait les deux genres.

Le passage facile de l’un à l’autre insiste sur la parodie de genre; et cet exemple nous montre bien que le genre n’est pas une vérité naturelle, inéchangeable, mais au contraire - un ensemble des codes de performance.

Au cours des changements d’identité sexuelle, Maupin, finit regulièrement par perdre la sienne - elle perd son identité sexuelle unique. Elle finit par s’apercevoir qu’elle n’appartient pas tout à fait à un des deux sexes, et qu’elle est “un troisième sexe à part qui n’a pas de nom”. Elle souhaite avoir tour à tour les deux sexes pour satisfaire cette double nature. Ainsi les jeux sont faits: le travestissement de l’apparence s’est fait révélateur de l’essence - avec ce souhait elle révèle une dimension hermaphrodite.

Lady Gaga
Lady Gaga, de son vrai nom Stefani Germanotta, 24 ans, a été sacrée «artiste la plus influente de l'année» en 2010 par le magazine américain Time. Il ne se passe pas une semaine sans que les journaux ou le Web évoquent ses tenues extravagantes ou ses déclarations mégalomanes.
Certains la qualifient de «produit marketing», d'autres d'«artiste contemporaine de la musique».
Nominée pour six Grammy Awards, elle entame une tournée mondiale au cours de laquelle elle fait sensation avec ses tenues, ses shows millimétrés et l’engouement qu’elle suscite dans la communauté homosexuelle - la presse parle alors de «phénomène Gaga».

Sa célébrité agace: Les chanteuses Grace Jones, Christina Aguilera ou MIA l’accusent de pastiche
Pourtant, Lady Gaga échappe au schéma classique - elle est la première chanteuse d’une culture postpop, qui utilise le simulacre comme moyen d’expression, qui ose mêler des références ultra pointues avec des notions grand public - elle synthétise son époque.
Lady Gaga est une incarnation de chanteuse, la créature (le «fame monster») de Stefani Germanotta.
Le VISAGE
Ses traits ne sont jamais les mêmes: Bimbo blonde dans la vidéo de Just Dance, poupée japonisante dans celui de Paparazzi ou prisonnière trash dans celui de Telephone, elle change de visage, à grands renforts de maquillage, tout comme les travestis.

Dans Ingrid Caven, l’écrivain Jean-Jacques Schuhl évoque le Maske de maquillage que la chanteuse allemande met avant de monter sur scène, Lady Gaga vit avec ce Maske permanent.
Elle se maquille les yeux comme le Ziggy Stardust de David Bowie, peint ses lèvres comme le chanteur allemand Klaus Nomi (icône de la scène New Wave du début des années 1980, il apparait à la fois comme un chanteur d'opéra hors norme et un artiste de cabaret au look inclassable) et comme le performer sud-africain Steven Cohen (funambule de la performance, cet artiste total exhibe son corps comme matière et œuvre), se coupe et se teint les cheveux comme une playmate - Rien dans son visage n’est sérieux, tout est parodie!

Mais ses références sont déjà des parodies (Freddie Mercury, Madonna), elle est dans la caricature de la caricature. Elle imite une culture pop et en bouleverse les références, son visage est un espace vide qui va chercher dans toutes les inspirations pour se créer une apparence.
Le COSTUME.
Elle porte des robes faites en bulles de plastique, des combinaisons en dentelle rouge qui masquent son visage - c’est son allure qui l’a rendue célèbre et qui a fait le plus jaser.
A la manière des Dupondt d’Hergé, elle s’empare des stéréotypes des pays qu’elle traverse, passant un séjour entier au Royaume-Uni une tasse de thé à la main. Le personnage de Lady Gaga est inséparable de son costume - jamais Stefani Germanotta n’est apparue de manière sobre, la chair et le costume forment un tout!
La chanteuse a pour cela créé la Haus of Gaga, un collectif regroupant ses amis qui conçoivent ses tenues, ses accessoires et la mise en scène de ses spectacles.

Le SEXE.
Qu’y a-t-il entre les jambes de Lady Gaga ?
La question a fait polémique après un concert où elle a été vue avec une bosse à l’entrejambe. Alors qu’elle multiplie les allusions au sexe, le robot ne semble pas avoir de vie sexuelle.
Les paparazzi ne l’ont jamais photographiée au bras d’un homme ou d’une femme. Elle caricature la sexualité et, de ce fait, écarte le risque de devenir un fantasme ou une pin-up.
Et justement, puisqu’elle refuse d’être une créature sexuée, le système médiatique, dont on connaît le machisme, s’offusque.
Les rumeurs sont lancées : Lady Gaga serait un homme, un transsexuel, une lesbienne, peu importe puisque la métamorphose postpop échappe aux normes de genre.
Sa sexualité est virtuelle, elle chante : «We’re plastic but we still have fun». Elle s’adresse à une génération, les 15-25 ans, qui a découvert la sexualité par Internet, les réseaux sociaux, les films pornos en ligne et les sites de rencontre.

Dans de nombreuses interviews, elle affirme vouloir devenir la porte-parole des «freaks» (les non-conformistes), et rend en permanence hommage à la communauté gay - la chanteuse a donné des discours pour des associations antihomophobes ou de lutte contre le sida.
La machine Lady Gaga est parfaitement huilée -tout est assumé, la jeune femme ayant, semble-t-il, tout compris de son époque : « on peut être une artiste grand public et s’inspirer de l’avant-garde artistique, vouloir gagner de l’argent et critiquer la société qui l’entoure, être dans la caricature et avoir de l’émotion ».
Le film Paris is burning nous montre des personnalités proche de celle de Lady gaga qui s'inspire amplement de la culture lesbienne et travestis mettant en déroute les normes dominantes grâce à son influence international.

LADY GAGA COMME PERFORMANCE
Sur la couverture du magazine britannique Q, Lady Gaga est en pied, le buste entièrement nu, se masquant les seins d'une main gantée de vinyle noir aux doigts prolongés en pointe, façon Edward aux mains d'argent.
Un détail attire l'oeil: à l'entrejambe de son pantalon noir, on distingue un long renflement à la forme phallique.
Lady Gaga s'explique en raison d'une rumeur la disant hermaphrodite:
"J'ai une voix plutôt grave et sur scène, je montre une attitude masculine. Alors, forcément, on se dit qu'il y a anguille sous roche... Sur la photo, je voulais être comme Mick Jagger."

Lady Gaga se réclame davantage de la "performance" au sens visuel du terme que du simple spectacle musical, citant notamment les "installations" du photographe Spencer Tunick, artiste travaillant sur l'inattendu (il a récemment sévi dans les vignes du Mâconnais, où ses modèles, nus, brandissent chacun une bouteille de vin entamée).

Par exemple, la vidéo Telephone, se passe dans une prison de femmes imaginaire, d'un style évidemment sadomasochiste et fétichiste, elle est un vrai petit film,se situant entre Marilyn Manson (style sadomasochiste, osé) et Quentin Tarantino (très coloré, un peu à l'image de Pulp Fiction).

Aux MTV Awards de 2010, Lady Gaga a interprété au piano sa chanson Paparazzi, le talon de sa cuissarde blanche posé sur le clavier - en terminant couverte de faux sang, tournoyant, pendue à un cordage. Elle voulait se montrer comme un "martyr dans sa blondeur glorieuse", se comparant à Marilyn Monroe et Lady Diana, "crucifiées par les médias".




Chapitre III: Représentations du genre au cinéma.

Le cinéma est une production culturelle collective, à la fois au niveau de sa fabrication et de sa consommation; il est en tout point un lieu privilégié d’expression de l’imaginaire social. Le cinéma met en scène un certain nombre de normes, de règles, de stéréotypes construites par la société, de là, il les reproduit, les modifie et les diffuse. Dans les paragraphes suivant, nous allons voir comment le cinéma participe à la création de ce que l’on appelle le genre et en quoi il révèle son statut parodique en nous appuyant sur l’âge d’or du cinéma classique hollywoodien (période 1940 - 1960).

Le cinéma classique hollywoodien peut être vu comme un diffuseur de stéréotypes, de normes sociales mais également comme une sorte de metteur en scène des relations hommes - femmes. La représentation des relations entre les deux sexes est fortement réglementée par la domination masculine, en effet, les femmes sont généralement représentées de deux façons: soit comme femme au foyer, soit comme objet de désir sexuel (les deux représentations peuvent s'entremêler).

Comme le souligne le réalisateur américain Budd Boetticher:
Ce qui compte est ce que l’héroine représente ou ce qu’elle provoque. C’est elle qui aime, craint ou inspire le héros masculin. Elle peut également être son inspiration du héros, le poussant à agir de telle ou telle façon. Elle, en tant que femme n’a pas ou peu d’importance.” Ce qui compte, c’est la façon dont elle joue son genre.

Le point de départ est de considérer que le genre est crée selon le sexe, à l’époque, les femmes à l’écran devaient subir le pouvoir masculin, pour cela, elles étaient toujours bien maquillées et bien habillées pour plaire à l’oeil masculin (celui du personnage ainsi que celui du spectateur).

Les femmes étaient regardées car elles étaient consciemment exposées, exhibées - elles étaient représentées à l’écran par l’intermédiaire du regard masculin.
Pour les spectateurs masculins, elle était un objet de désir sexuel, mais pour les spéctatrices elle servait d’idéal féminin,de modèle qui joue bien son genre (à l’écran la femme “montre” comment jouer/construire le genre féminin.), elle devient plus généralement une femme ‘parfaite’, à la fois admirée et désirée par les hommes.

En ce qui concerne la représentation des hommes à l’écran, nous pouvons dire qu’ils sont représentés à travers une exagération de la virilité. Le personnage masculin s’occupe de tout, il est sûr de lui et il domine toujours la situation - il est à la fois robuste et gentleman. Généralement, dans les relations homme/femme, c’est lui qui domine et la femme qui subit; il travaille et raméne de l’argent pour le foyer etc..
Ainsi, nous pouvons remarquer, que sans exception, les personnages principaux étaient des individus performant parfaitement leur genre, en faisant croire aux spectateurs que cela est naturel (Par exemple - les femmes à l’écran étaient soumises, en l’étant, elles font croire que cela est “naturel”) Bref, une femme incarnait l’ensemble des caractéristiques étiquetées comme féminines (par exemple maquillage, code vestimentaire, soumission aux hommes, fait d’être là pour aider/faire le ménage/les inspirer mais jamais être pour elle-même); tout comme l’homme dans ses propres caractéristiques.

L’âge d’or du cinéma classique hollywoodien est aussi l’âge de censure, en effet, la durée des baisers étaient chronométrée, elle ne pouvait pas dépasser un certain temps. Tout ce qui pouvait évoquer la dimension érotique des relations hommes - femmes était laissé hors champ, ou comme le dit Foucault, enfermé dans la chambre des parents.

Le cinéma hollywoodien ne peut pas être nommé comme créateur des normes et de genre, il s’inscrit plutôt du côté de la diffusion de ces normes. Il les rend désirables pour la population, à travers l'identification des personnages principaux. Le spectateur finit par imiter les stars, comme le dit Judith Butler: Devenir Helen Hayes ou n’importe quel autre star.
Nous voyons à nouveau la dimension parodique: pour vivre comme les stars, pour s’assimiler à eux et pour ne pas être exclu (les stars incarnaient les valeurs positifs d’une nation, ils sont des objets d’admiration. Pour les spectateurs ils ont “l’identité parfaite”, définies par les normes sociales. Il y a donc une volonté d’être comme eux, c’est-à-dire s’inscrire dans les règles de la société normée).

Toute ce système peut être perçu comme un cercle vicieux de la parodie, où tout le monde parodie tout le monde (le public parodie les manifestations du genre comme ils les voient sur l’écran sur lequel on diffuse les manifestations/constructions de genre empruntées à la société). Ceux qui étaient en marge des normes (ceux qui étaient queer!) “se transformaient” sur les écrans en méchants, en objets de rire ou de haine..

À l’époque contemporaine, la représentation du genre tel qu’on le voit dans les films de l’époque classique hollywoodienne a quasiment disparu. Il y a toujours des films (généralement les productions pour grand public) qui diffusent les stéréotypes du genre, mais d’une manière beaucoup moins perceptible. La fonction du cinéma comme diffuseur de stéréotypes s’est considérablement amoindrie. Cette diminution est crée par les films reprenant l’idée de parodie (ils contribuent à la parodie de genre). Cette tendance existait déjà à l’époque classique hollywoodienne.
Par exemple le film de Billy Wilder Certains l’aiment chaud, réalisé en 1959. Un autre exemple, plus contemporain est celui de Tootsie (1982) de Sydney Pollack. Les films Paris is Burning (1990), réalisé par Jennie Livingston et Hedwig and the Angry Inch (2001), réalisé par John Cameron Mitchell nous montrent que l’écran cinématographique est devenu accessible aux représentations les plus explicites du genre comme parodie (lesbiennes,drag queen...)

Exemples

Nous allons prendre pour exemples deux films: Certains l’aiment chaud. Ce film est en quelque sorte un paradoxe. Il révèle la dimension parodique du genre, mais en même temps il est une production du cinéma hollywoodien classique, qui reste fidèle aux représentations du genre par la société de domination masculine. Le sécond film Tootsie de Sydney Pollack nous montre la constructibilité du genre par des pratiques vestimentaires et des répétitions des codes de genre hétérosexuel.


Conclusion

À travers les différentes approches de Judith Butler, Marie-Hélène Bourcier, ou encore Michel Foucault, accompagnées d’exemples liés à la question du genre, nous avons vu que ce dernier était un sujet vaste et avide de recherches.
En résumé, Judith Butler a dit que pour démontrer que les catégories fondamentales de sexe, de genre et de désir sont les effets d'une certaine formation du pouvoir, et qu’il fallait recourir à une forme d'analyse critique que Foucault, à la suite de Nietzsche, a nommée généalogie. Il s'agirait pour cela « de chercher à comprendre les enjeux politiques qu'il y a à désigner ces catégories de l'identité comme si elles étaient leurs propres origine et cause alors qu'elles sont en fait les effets d'institutions, de pratiques, de discours provenant de lieux multiples et diffus.» Le but à atteindre étant défini par une volonté de déstabiliser « le phallogocentrisme et l'hétérosexualité obligatoire.» Il s'agit aussi de repenser l'organisation sociale selon des modèles homosexuels ou transsexuels. Pour Butler, un des moyens de déstabilisation est la parodie du genre qui s’effectue par telles pratiques comme travestissement et drag. Mais il faut noter que toutes les pratiques de la parodie consistent en une exagération des codes fondateurs du genre. C’est-à-dire que les drag et le travestissement sont construits par les mêmes pratiques (codes de comportements, pratiques vestimentaires, etc...) que le genre hétérosexuel, dits “normal”. Ces pratiques prouvent par excellence que tout genre n’est qu’une parodie, et qu’il n’y a pas d’original.
Ces questions d’actualités, remettant en cause les structures déjà normées, nous ont été représentées à l’écran, autant sur le petit que sur le grand. En effet, le cinèma étant un outil à la fois de représentations mais également de déformation, il projette, traduit, met en scène la vie sous différentes formes en suivant l’évolution de la société.
La déformation étant fortement présente, elle fait découler, de ce fait, la parodie, à travers l’imitation, relative aux représentations.
Nous pensons donc qu’il y a un certain découlement naturel du genre vers la parodie, étant déjà bien ancré dans le cinèma dès sa naissance au début du 19eme siècle. Car la parodie a toujours été plus ou moins présente, mais elle a trouvé une autre signification dès que le domaine de recherches sur le genre s’est développé, se faisant, ils se sont en quelque sorte, complétés, ou du moins se sont trouvés reliés les amenant à une approche et une vision diffèrente et novatrice, bousculant les règles déjà posées.





Bibliographie:

Noel Burch, Genevieve Sellier, La drôle de guerre des sexes du cinéma français 1930-1956, Coll. 128, Paris, Éditions Armand Colin, 2005

Judith Butler, Trouble dans le genre, Le feminisme et la subversion de l’identité, Paris, La Découverte, 2006

Marie Hélène Bourcier, Queer Zones 1, Femmes travesties et pratiques transgenres: repenser et queeriser le travestissement, texte imprimé.

Marie-Hélène Bourcier, Queer Move/ments (texte imprimé)

Marie - Hélène Bourcier, Sexpolitiques, Queer Zones 2, Paris, Éditions La Fabrique, 2005

Michel Foucault, L’Histoire de la sexualité, Tome I, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.

Théophile Gautier, Mademoiselle de Maupin, Paris, Éditions Gallimard, 1973.

Articles de presse :
Lady gaga ou le phénoméne gaga par Stefani Germanotta, Libération.fr par Clément Ghys 16/05/2010.
Le phénoméne Lady gaga décrypté, L’express.fr par Michka Assayas 6/05/2010.